Le ministre démissionnaire de l'industrie espagnol, José Manuel Soria, mis en cause dans l'affaire des "Panama papers", le 13 avril 2016 à Madrid. | ANDREA COMAS / REUTERS

Le ministre de l’industrie espagnol en fonction, José Manuel Soria, a annoncé sa démission, vendredi 15 avril, après avoir été cité dans les « Panama papers », qui révèlent depuis quelques jours, dans la presse internationale dont Le Monde, les noms de possesseurs de comptes offshore gérés par la firme panaméenne Mossack Fonseca.

Après quatre jours de démentis, d’explications variées, et parfois contradictoires, le ministre, qui avait assuré, lundi 11 avril, qu’il « n’a pas ni n’a jamais eu aucune société au Panama ni dans aucun paradis fiscal », a finalement été contraint d’abandonner son poste dans l’équipe de Mariano Rajoy du fait de la publication de documents lui attribuant des sociétés situées au Bahamas et sur l’île de Jersey.

« Une erreur »

Pour le Parti populaire (PP, droite), déjà submergé par les scandales de corruption qui touchent plusieurs de ses membres aux quatre coins du pays, ce scandale arrive au pire moment, tandis que tout semble indiquer que de nouvelles élections législatives devraient avoir lieu le 26 juin. Depuis le scrutin du 20 décembre, en effet, le Parlement, très fragmenté du fait de l’irruption des partis Podemos, à gauche, et Ciudadanos, au centre, n’est pas parvenu à dégager une majorité pour investir un nouveau chef de gouvernement. Et les partis se préparent déjà à entrer en campagne.

Or, les révélations concernant M. Soria, homme de confiance de Mariano Rajoy, sont explosives. Selon les documents de la firme Mossack Fonseca, épluchés en Espagne par la chaîne de télévision La Sexta et le site d’information Elconfidencial.com, le nom du ministre apparaît comme directeur d’une société située au Bahamas, UK Lines Ltd, durant seulement deux mois, dans le courant 1992. Le ministre évoque dans un premier temps une « erreur » et prétend qu’il va demander au Panama d’éclaircir celle-ci.

Cette société, où apparaît aussi le nom de son frère, a été dissoute en 1995, deux mois avant que José Manuel Soria ne devienne maire de la ville de La Palmas de Gran Canaria, aux îles Canaries. Au sein du Parti populaire et du gouvernement, les explications du ministre sont alors jugées crédibles et satisfaisantes.

Enchevêtrement

Mais les journalistes du quotidien El Mundo et du site d’information Eldiario.es découvrent peu à peu, en consultant les registres du commerce britanniques, un enchevêtrement de sociétés où apparaît le nom du ministre. On apprend ainsi que sa famille, détentrice d’une société d’exportation de produits agricoles aux Canaries, avait créé au Royaume-Uni, une société portant le même nom que la société des Bahamas, UK Lines Ltd, dans laquelle l’ex-ministre a eu des responsabilités.

Lors de la dissolution de l’entreprise britannique, une autre société est créée par la famille Soria en 1995, Oceanic Lines Ltd., dont José Manuel Soria a été administrateur alors même qu’il se consacre déjà à la politique, en tant que maire (1995-2003), puis président régional des Canaries (2003-2007). Selon les registres du commerce, cette société familiale, Oceanic Lines Ltd., est contrôlée à 80 % par une société située sur l’île de Jersey, Mechanical Trading Ltd., dont les administrateurs jusqu’à sa dissolution en 2002, ne sont autres que… le ministre et son frère.

Le ministre a d’abord affirmé que tout était légal et a promis de s’expliquer devant le Parlement lundi 18 avril. Mais les dernières révélations publiées jeudi ne lui ont laissé d’autre choix que celui de la démission, qu’il attribue à une « succession d’erreurs ces derniers jours (…) du fait du manque d’information précise sur des faits qui remontent à plus de vingt ans. »