Des enfants regardent une affiche du festival FEMUA d'Abidjan, auquel se produisait Papa Wemba, le 24 avril, et où il est décédé sur scène. | SIA-KAMBOU / AFP

Il avait connu des ennuis de santé en mars. Des informations faisaient même état de son hospitalisation, voire de coma. Mais l’artiste congolais de 66 ans Papa Wemba avait démenti. Samedi, il était arrivé en pleine forme à Abidjan. S’exprimant devant les caméras, pour ce qui allait constituer ses dernières interviews avec la presse, le « roi de la rumba » se disait encore prêt à donner le meilleur de lui-même dans la capitale économique ivoirienne pour la 9e édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA), fondé par le groupe ivoirien Magic System. Il devait ensuite se rendre à Korhogo, à 600 km au nord d’Abidjan.

Mais sur scène, au petit matin du dimanche 24 avril, Papa Wemba s’écroule. Alors que les musiciens continuent à jouer, les danseuses s’attroupent au-dessus de l’artiste. Des secours accourent pour tenter de le réanimer. Il rendra l’âme sur la route de l’hôpital, selon les organisateurs du festival. Mais pour des témoins, Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba avait déjà expiré sur la scène, le micro à la main. Les dispositions sanitaires mises en place ne semblaient pas suffisantes, estiment-ils.

« Il n’y avait qu’une seule ambulance installée, à une dizaine de mètres derrière le podium. Pendant le drame, les premiers secouristes ont dû appeler les médecins à la rescousse pendant cinq minutes au moins, avant que ceux-ci ne débarquent », raconte Sylvain, journaliste culturel ivoirien, présent au pied de la scène.

« Et puis, lorsque Papa Wemba a fait sa chute, le premier secouriste qui est intervenu avait visiblement de la peine à procéder à un massage cardiaque, à tel point qu’une des danseuses a été obligée de lui apporter de l’air avec une serviette de fortune », déplore-t-il, encore sous le choc d’une scène qui continue de faire le tour des chaines de télévision.

Jean-Marie Attéby, reporter-photographe, corrobore presque ce témoignage. « Il s’est passé un long moment où tout le monde était paniqué autour de l’artiste et où les soins d’urgence manquaient », affirme-t-il. Attéby a saisi les images de l’évacuation de Papa Wemba de la scène au véhicule de secours. Mais à la demande des organisateurs, souligne-t-il, la police lui a confisqué son appareil photo.

La sécurité au détriment du dispositif sanitaire

De cette organisation, Sylvain note surtout l’attention particulière accordée à la sécurité, en raison du problème terroriste (le pays a subi une attaque le 13 mars à Grand-Bassam, au sud du pays) au détriment du volet sanitaire. « C’est une attitude récurrente à Abidjan, de ne pas faire place aux dispositions sanitaires. Aujourd’hui, ce drame devrait servir de leçon », dit-il.

« Papa Wemba incarnait toutes nos identités africaines »
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« Moi je n’ai toujours pas compris pourquoi, malgré son âge et sa santé fragile, Papa Wemba a été autorisé à se produire si tard. En sa qualité de parrain, entonner deux titres aurait suffi. Je pense que les organisateurs ont fait preuve de négligence sur certains détails de ce genre », accuse Germaine Nguessan, une retraitée.

Pour Guy Michel, l’un des chargés de communication du FEMUA, un dispositif sanitaire était en place et ne souffrait d’aucune faille. « Nous avons mobilisé deux ambulances médicalisées. Une était postée à l’entrée du festival et l’autre à la sortie. D’autre part, des sapeurs-pompiers, ainsi que des médecins étaient sur place, explique-t-il au Monde Afrique. Tout ce monde a été prompt à réagir. Malheureusement, ça n’a pas suffi. » L’épouse de Papa Wemba et trois membres de sa famille sont arrivés lundi à Abidjan pour la procédure de rapatriement du corps de l’artiste à Kinshasa (République démocratique du Congo).