C’est un premier gros revers pour le FBI dans l’affaire délicate du site pédopornographique Playpen. Mercredi 20 avril, un juge fédéral du Massachusetts a estimé que le mandat utilisé par l’agence américaine pour pirater plus d’un millier d’ordinateurs était invalide, du moins dans le cas d’une personne sur les 137 poursuivies.

L’affaire commence en février 2015 : le FBI réussit à mettre la main sur les serveurs de Playpen, un important site d’échange d’images pédophiles, accessible uniquement par le réseau d’anonymisation TOR. Mais, au lieu de supprimer le site, le FBI décide de l’héberger quelques jours sur ses propres serveurs en Virginie et d’y installer un logiciel malveillant, permettant de s’introduire sur l’ordinateur de ses visiteurs afin d’identifier leur adresse IP et donc de remonter à leur identité. Plus d’un millier d’ordinateurs ont ainsi été piratés par le FBI, menant à 137 poursuites judiciaires.

Cette opération d’une ampleur inédite a été rendue possible grâce à un unique mandat, émis par un juge de Virginie, autorisant le déploiement de ce dispositif nommé « Network investigating technique » (NIT).

Une affaire embarrassante

C’est ce mandat hors du commun que plusieurs avocats des personnes poursuivies ont décidé de mettre en cause. Et avec succès, dans le cas du procès d’un habitant du Massachusetts. Le juge William Young a estimé, mercredi, que le mandat, émis en Virginie, ne pouvait s’appliquer dans cet Etat. « Il en découle que cette opération a été conduite comme si elle n’avait pas été autorisée par mandat. […] Cette preuve doit donc être exclue », a écrit le juge.

Depuis qu’elle a été révélée en janvier, cette affaire ne cesse d’embarrasser le FBI. L’utilisation d’un unique mandat pour s’infiltrer dans un grand nombre d’ordinateurs a notamment déclenché les critiques de certains défenseurs des libertés publiques, inquiets d’une nouvelle forme de surveillance.

Des avocats des personnes poursuivies ont réclamé que le FBI livre les détails techniques de l’outil ayant permis ce piratage, ce que l’agence a refusé, malgré une demande de la justice. Le FBI a aussi été critiqué pour avoir hébergé pendant treize jours un site pédopornographique, la défense fustigeant une « conduite scandaleuse ».

Les conséquences de cette décision pourraient s’avérer désastreuses pour le FBI, si d’autres juges prenaient la même décision dans les autres affaires liées à Playpen, dont l’accusation repose sur les données récupérées lors de ce piratage. Cela pourrait également remettre en question l’utilisation, par l’agence fédérale, de ces NIT, qu’elle avait déjà déployées par le passé, mais à une bien moindre échelle.