Paul Manafort sur le plateau de "Meet the Press", l'émission politique de la chaîne NBC, le 10 avril. | NBC NEWS/YOUTUBE

Si Donald Trump ne parvenait pas à gagner 1 237 délégués lors de la primaire républicaine qui prendra fin le 7 juin, l’élection du candidat du parti reviendrait aux délégués lors de la convention d’investiture de juillet, à Cleveland, du 18 au 21 juillet.

Même s’il arrive à Cleveland avec un total de délégués supérieur à celui de Ted Cruz et à celui de John Kasich, M. Trump risque de ne pas décrocher l’investiture au premier tour et, dans ce cas, il risque alors de voir l’investiture lui échapper. Car, dès lors qu’un deuxième tour de scrutin a lieu, les délégués ne sont pas tenus de voter pour le candidat qu’ils représentaient initialement. C’est pourquoi, dans cette perspective, Ted Cruz a entrepris une offensive de charme auprès des délégués.

Pour parer à cette éventualité, le milliardaire a annoncé, fin mars, l’embauche de Paul Manafort, 66 ans, pour gérer sa stratégie de conquête des délégués. Présenté comme un « chasseur de délégué, un expert en convention », cette figure de « l’establishment républicain de Washington » tranche avec les foucades de Corey Lewandowski, le bras droit du candidat.

En 1976, lors de la dernière convention contestée, Paul Manafort a défendu victorieusement les intérêts de Gerald Ford face à Ronald Reagan et Bob Dole. Ronald Reagan s’en est souvenu et l’a embauché, en 1980. George H.W. Bush a fait de même en 1988.

Après la victoire de Ronald Reagan, Paul Manafort a fondé, en 1982, Black, Manafort, Stone and Kelly (BMS & K) une entreprise de lobbying politique installée à Washington qui fusionnera avec Gold & Liebengood en 1996 pour devenir BKSH & Associates.

Toute cette équipe se retrouve en 2016, mais dans des camps différents. Charles R. Black Jr., le « B » de BMS & K, est désormais conseiller pour la convention de John Kasich, tandis que Roger Stone, le « S » de BMS & K, ami et conseiller de Donald Trump, a pris la tête, en décembre 2015, d’un comité d’action politique favorable au magnat de l’immobilier. C’est lui qui a suggéré à M. Trump le nom de Paul Manafort.

Habile lobbyiste

Ce dernier a travaillé pour Donald Trump depuis les années 1980 : BMS & K a conseillé Trump Enterprises au niveau fédéral et dans les Etats de New York et de la Floride sur les questions fiscales, relève le Washington Post.

Eli Lake, un éditorialiste du site Bloomberg souligne le côté paradoxal qu’a cette arrivée : « Le candidat qui promet qu’il ne sera pas influencé par Washington a recours aux services d’un lobbyiste de Washington pour tenter de sauver sa campagne. »

Eli Lake rappelle le pedigree de Paul Manafort : sa vraie « spécialité », c’est le lobbying international. Il a travaillé pour le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et pour l’ancien président philippin Ferdinand Marcos.

En 1984, il a manœuvré au profit de l’Arabie saoudite pour empêcher le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, rapporte le Daily Beast. Le site rappelle que selon la rhétorique de Donald Trump, les attentats du 11-Septembre sont l’œuvre de l’Arabie saoudite.

Quelques polémiques à son actif

Son nom apparaît dans l’affaire Karachi : il a conseillé Edouard Balladur lors de sa campagne présidentielle de 1995 et a effectué des sondages à son profit, et en 2012, le juge Van Ruymbeke, qui instruisait l’affaire, avait cherché à savoir s’il avait été payé avec de l’argent issu d’éventuelles rétrocommissions versées en marge de contrats d’armement.

En 1989, il a été auditionné par la Chambre des représentants dans une affaire immobilière pour laquelle il a usé de son influence afin de décrocher un contrat de 43 millions de dollars.

En 2008, la campagne de John McCain a envisagé d’avoir recours aux services de M. Manafort avant de se raviser, en raison de ces potentielles casseroles.

Les opposants à Donald Trump n’ont pas manqué de relever que sur son compte Twitter (@PaulManafort) ouvert récemment, il suivait le club échangiste Decadence à New York. L’intéressé a aussitôt toiletté son profil et procédé à une sélection plus rigoureuse des comptes qu’il suivait : exit le club Decandance, mais aussi Taylor Swift et Lady Gaga.