Hillary Clinton est largement en avance sur Bernie Sanders : depuis le début des primaires, elle a recueilli 10,4 millions de voix, contre 7,71 millions pour le sénateur du Vermont, soit 2,69 millions de voix d’écart. | DARCY PADILLA/AGENCE VU POUR "LE MONDE"

Après la primaire de l’Etat de New York, mardi 19 avril, le doute s’installe dans la campagne de Bernie Sanders. Après la proclamation des résultats, le candidat est rentré chez lui pour se reposer, dans le Vermont.

« Nous irons à la convention », a dit Jeff Weaver, son directeur de campagne, sur MSNBC, dans la nuit du 19 au 20 avril. Il fait référence à la convention nationale du Parti démocrate, qui se tiendra à Philadelphie du 25 au 28 juillet, et au cours de laquelle sera formellement désigné le candidat du parti à l’élection présidentielle.

Tad Devine, un des principaux conseillers du sénateur du Vermont, est moins catégorique : il a affirmé que la campagne de M. Sanders ferait un point après le 26 avril.

C’est mardi que se tiendra la primaire de l’Acela, qui tire son nom du train à grande vitesse qui relie le Rhode Island, le Connecticut, la Pennsylvanie, le Delaware et le Maryland.

Avance de Hillary Clinton grâce aux superdélégués

Mais quelle que soit la manière dont on compte les délégués (au choix : The New York Times ou AP), Hillary Clinton dispose d’une certaine marge d’avance sur le sénateur du Vermont. Le chemin vers l’investiture de ce dernier ressemble à un problème d’arithmétique insoluble.

Avec 1 930 délégués (1 428 délégués gagnés lors des primaires et caucus, et 502 « superdélégués »), l’ancienne secrétaire d’Etat a parcouru 81 % du chemin la menant aux 2 383 délégués (délégués de district et at-large delegates, auxquels s’ajoutent les superdélégués) nécessaires pour décrocher l’investiture, lors de la convention de Philadelphie.

En tout, 4 765 délégués devraient participer à ce rendez-vous : 4 051 pledged delegates élus lors des caucus et des primaires et 714 superdélégués.

Avec 1 189 délégués (1 151 délégués gagnés lors des primaires et caucus, et 38 superdélégués), M. Sanders n’en est qu’à un peu moins de 50 % des 2 383 délégués nécessaires pour décrocher l’investiture démocrate.

Au 22 avril, il reste 1 646 délégués à attribuer au cours des prochaines primaires. Mme Clinton n’a besoin que de 28 % de ces délégués pour obtenir l’investiture, et l’objectif est à sa portée, explique FiveThirtyEight, le site d’analyse de sondages de Nate Silver. Tandis que M. Sanders doit en gagner 73 % pour y parvenir.

Les superdélégués, soutiens inconditionnels

La campagne de M. Sanders affirme que la majorité des superdélégués soutenant Mme Clinton va évoluer et finira par soutenir le sénateur du Vermont.

Difficile d’imaginer un tel revirement : les 714 superdélégués (446 membres du Parti démocrate, 229 élus démocrates au Congrès, 17 gouverneurs démocrates et 22 personnalités et figures du parti), membres de droit de la convention de juillet, sont en majorité acquis à la candidate. Et ce quel que soit l’angle sous lequel on examine la question : Wikipédia propose une liste des superdélégués et de leur prise de position, le site FiveThirtyEight propose une autre liste dans une page consacrée aux soutiens déclarés, dans les deux camps, depuis le début des primaires.

L’agence Bloomberg rappelle que depuis leur avènement, en 1982, les superdélégués n’ont jamais abandonné un candidat en nombre suffisant pour changer la nature de la course à l’investiture chez les démocrates. Depuis leur création, il y a eu huit élections et M. Sanders n’a rien eu à redire au système des superdélégués, note The Hill, un journal spécialisé sur la vie politique à Washington.

D’autant que Mme Clinton et ses partisans – comme George Clooney – ne font pas seulement campagne pour l’élection présidentielle du 8 novembre. Ils lèvent des fonds pour tous les candidats démocrates qui essaieront de se maintenir et surtout de conquérir des sièges, en novembre au Sénat, à la Chambre des représentants.

Avance de Clinton même sans superdélégués

Si on raisonne sans les superdélégués, comme le voudraient certains dans la campagne de M. Sanders, Mme Clinton a obtenu le soutien de 1 428 délégués lors des caucus et des primaires, soit 60 % des 2 383 délégués (élus lors des primaires et des caucus depuis le 1er février et superdélégués) nécessaires pour décrocher l’investiture, ou 70 % des 2 027 délégués qui permettent d’avoir la majorité, si d’aventure les démocrates décidaient de ne compter que les délégués qui ont été élus lors des primaires et des caucus.

Dans ce cas de figure, avec 1 151 délégués gagnés lors des caucus et des primaires, M. Sanders n’a que 48 % des 2 383 délégués nécessaires à l’investiture, et 57 % des 2 027 délégués qui permettent d’avoir la majorité.

L’agence AP compte qu’il reste 1 474 délégués à conquérir lors des caucus et des primaires démocrates qui se tiendront jusqu’au 14 juin (primaire du district de Columbia, avec 45 délégués).

Le camp Sanders estime que les superdélégués sont un déni de démocratie et affirme que sans leur soutien Hillary Clinton aura du mal à obtenir les 2 383 délégués nécessaires pour décrocher l’investiture. | DARCY PADILLA/AGENCE VU POUR "LE MONDE"

Le camp Sanders estime que les superdélégués sont un déni de démocratie et affirme que sans leur soutien Mme Clinton aura du mal à obtenir les 2 383 délégués nécessaires pour décrocher l’investiture avec les seuls délégués issus des caucus et des primaires.

Pour franchir ce cap, l’ancienne secrétaire d’Etat doit gagner 65 % des délégués à désigner lors des caucus et des primaires ou 41 % pour franchir le cap de 2 027 délégués.

Pour M. Sanders, la tâche est encore plus compliquée : il doit gagner 84 % des délégués restants pour franchir la barre de 2 383 délégués ou 59 % pour celle de 2 027. D’autant que les primaires et caucus à venir sont essentiellement fermés aux électeurs indépendants, lesquels sont favorables au sénateur du Vermont.

Mme Clinton a remporté environ 55 % des délégués en course lors des caucus et des primaires. La barre de 65 % semble difficile à atteindre, celle de 41 % est à sa portée. Pour M. Sanders, c’est encore plus compliqué.

Enfin, en termes de suffrages, Mme Clinton est largement en avance sur le sénateur du Vermont : depuis le début des primaires, elle a recueilli 10,4 millions de voix contre 7,71 millions pour M. Sanders, soit plus de 2,69 millions de voix.

Bernie Sanders prépare l’après-primaires

La campagne du sénateur du Vermont a généré un enthousiasme sans précédent auprès des jeunes. Il a levé des fonds, son programme a poussé Mme Clinton vers la gauche, mais il ne peut enrayer la dynamique du Parti démocrate, qui s’est rangé derrière l’ancienne secrétaire d’Etat.

Une supportrice de Bernie Sanders à Hunter’s Point South Park, dans le Queens, le 19 avril. | DARCY PADILLA/AGENCE VU POUR "LE MONDE"

Les partisans de Mme Clinton commencent à suggérer que le sénateur et ses partisans devraient cesser leurs attaques contre la candidate, dans la perspective, pas si lointaine, de l’élection de novembre.

Reste à savoir s’il fera comme le sénateur Edward Kennedy, qui a défié Jimmy Carter, lequel avait la majorité des délégués avec lui, lors de la convention de 1980. Une chose est certaine, il fera entendre sa petite musique lors de la convention de Philadelphie, comme il l’a annoncé lors de l’émission « Face The Nation », au début d’avril et compte peser sur le programme des démocrates pour la campagne.

La femme du candidat, Jane Sanders, a expliqué comment ils voyaient la suite, rapporte The Washington Post : s’il est élu président, il continuera ce qu’il a commencé. Il fera pareil s’il n’est pas élu et maintiendra la pression sur le candidat démocrate à la présidentielle, en novembre et au-delà, si les démocrates remportent l’élection.

Les partisans du sénateur ont prévu de se réunir à Chicago, après les primaires, à la mi-juin, pour continuer à bâtir la « révolution politique » engagée par le candidat, et développer une plate-forme populaire sur les sujets jugés importants par le candidat.