• BENJAMIN BIOLAY
    Palermo Hollywood

Pochette de l'album "Palermo Hollywood" de Benjamin Biolay. | DR

Dans La Superbe et Vengeance, ses deux précédents albums de chansons originales, Benjamin Biolay avait déjà laissé entendre, par bribes, son coup de foudre argentin. Sa passion pour Buenos Aires prend aujourd’hui le dessus au point d’imprégner jusqu’au concept un nouvel opus, Palermo Hollywood, conçu dans la ville des « bons vents ». Déambulation amoureuse fantasmée, griserie urbaine de dandy esquinté, ce nouvel opus retranscrit les ambiances et la sensualité de la capitale argentine dans des chansons mêlant lyrisme cinématographique et déhanchements charnels. Un peu comme si Gainsbourg avait un jour collaboré avec Manu Chao, paré des arrangements de John Barry ou d’Ennio Morricone. Les graves chiffonnés du chanteur frottent leur dérive existentielle aux danses du tango, de la cumbia ou de la chacarera, souvent pimentés de gouaille féminine hispanique (irrésistibles Palermo Queens et La Noche Ya No Existe). Si certaines orchestrations se laissent dépasser par le grandiose (Palermo spleen, Pas sommeil), Biolay retrouve ici tout son pouvoir de séduction. Stéphane Davet

1 CD Barclay/Universal.

  • ALFREDO RODRIGUEZ
    Tocororo

Pochette de l’album « Tocororo », d'Alfredo Rodriguez. | MACK AVENUE-QWEST/HARMONIA MUNDI

C’est dans un climat rêveur, par quelques notes jouées en pinçant les cordes de son piano que débute Tocororo, le troisième album du pianiste cubain Alfredo Rodriguez – homonyme de son confrère et compatriote, mort le 3 octobre 2005 à l’âge de 69 ans. Toujours produit par Quincy Jones, comme le précédent The Invasion Parade (2014). Et toujours avec quelques invités en plus de la souple rythmique constituée par Reinier Elizarde (basse) et Michael Olivera (batterie). Les voix d’Ibeyi, Antonio Lizana, Richard Bona, par ailleurs à la basse électrique, le trompettiste Ibrahim Maalouf, le saxophoniste, clarinettiste et flûtiste Ariel Bringuez… A ses racines musicales cubaines, Alfredo Rodriguez, au jeu délié, véloce, ajoute des éléments venus du jazz, des évocations du tango (Adios Nonino), du flamenco (Gitanerias), de musiques de l’Afrique de l’Ouest. Un album voyageur entre des passages de plein allant rythmique et des développements mélodiques au joli pouvoir d’émotion. C’est d’ailleurs lorsqu’il évolue dans des climats apaisés que le pianiste fait entendre son plus intéressant (Raices, le début de Tocororo, Venga La Esperanza…). Sylvain Siclier

1 CD Mack Avenue Records-Qwest/Harmonia Mundi.

  • DAVID & DOMINIQUE
    Intégrale 1968-1980

Pochette de l’album « Intégrale 1968-1980 », de David & Dominique. | FRÉMEAUX & ASSOCIÉS

David Jisse, âgé de 70 ans, semble avoir autant de vies que les chats avec lesquels il partage le sens de l’observation et le goût de l’itinérance. Sans jamais ronronner, ainsi que le savent les amateurs de musique contemporaine qui le rencontrent depuis des lustres dans des situations toujours inattendues, comme organisateur (à la tête de La Muse en circuit, le centre de création musicale qu’il a dirigé de 1998 à 2013) ou comme compositeur (principalement de musique électro-acoustique). Avant de jouer avec les micros (y compris comme producteur à Radio France), David Jisse est entré en musique comme auteur-compositeur-interprète de chansons présentées en duo avec sa partenaire Dominique Marge. L’intégrale que l’on découvre aujourd’hui frappe par la qualité des textes et la finesse des mélodies. Elle couvre vingt ans de création multipistes. L’époque (par exemple, celle du Michel Berger de Starmania ou celle du Michel Legrand des tubes entre jazz et classique) est toujours perceptible. L’originalité aussi, dans le registre du « Presque rien » cher à Luc Ferrari, fondateur de La Muse en circuit et mentor de David Jisse. Pierre Gervasoni

2 CD Frémeaux & associés.

  • MAYER HAWTHORNE
    Man About Town

Pochette de l’album « Man About Town », de Mayer Hawthorne. | STONES THROW RECORDS/PIAS

Mayer Hawthorne est ce soul man, au look de gendre idéal, la voix haut perchée, qui donnait son cœur flamboyant à des jeunes femmes dans Just Ain’t Gonna Work Out, un clip tourné en noir et blanc. Ce DJ de Détroit a emménagé à Los Angeles en 2009 après sa signature avec le label Stones Throw Records. Ses trois premiers albums naviguaient entre soul et hip-hop, celui-ci est plus éclectique. Il débute par un negro spiritual, continue avec des vibratos et des synthés à la Curtis Mayfield dans Cosmic Love, avec ci et là la guitare de Shuggie Otis ou la folie de Sly Stone. Tout se tient jusqu’à Lingerie & CandleWax, puis il se perd dans une pop lassante avec le décevant Love Like That. Il va même tâter du reggae avec Fancy Clothes. Mayer Hawthorne a retrouvé sa place de DJ, touche-à-tout, mais semble avoir oublié la recette pour tenir en haleine ses danseurs et ses auditeurs. Stéphanie Binet

1 CD Stones Throw Records/PIAS.

  • FANFARE CIOCARLIA
    Onwards To Mars !

Pochette de l’album « Onwards To Mars ! », de Fanfare Ciocarlia. | ASPHALT TANGO RECORDS/L’AUTRE DISTRIBUTION

Cela fait déjà vingt ans que le son joufflu et charnu de l’un des plus emballants brass bands tsiganes des Balkans fait le tour du monde. Dans ce nouvel album, on retrouve avec plaisir l’étourdissante vitalité de ce boys band qui ne s’embarrasse pas de noirceur introspective pour nourrir son répertoire. Mis à part un titre d’humeur plutôt mélancolique (Doina pentru un frânt inima), tout ici n’est qu’embardées, cavalcades et vents fous, fêtes et joies. Ils se réapproprient des airs du fond des terres roumaines que l’on chante et danse depuis toujours dans les campagnes autour de leur village, Zece Prajini. Ils s’emparent de l’un des succès du groupe de rock moldave Zdob si Zdub (Bunica Bate Toba), et poussent le plaisir du relookage jusqu’à Screamin’Jay Hawkins et son increvable I Put a Spell on You. L’album s’achève sur un mix latino-balkanique, l’étincelant Fiesta de Negritos, enregistré à Medellin avec des collègues musiciens colombiens, le groupe Puerto Candelaria. Patrick Labesse

1 CD Asphalt Tango Records/L’Autre Distribution.