Après être partie à la pêche au plancton entre 2009 et 2013, la célèbre goélette reprend le chemin des océans. Le 28 mai, le voilier Tara quittera son port d’attache de Lorient pour une nouvelle expédition en Asie-Pacifique. Durant deux ans, la goélette, avec à son bord 70 scientifiques, devrait parcourir près de 100 000 km, visiter 30 pays, analyser 40 archipels et recueillir plus de 40 000 échantillons. Le but, comprendre l’une des plus grandes biodiversités marines : le corail, menacé par les changements climatiques, l’acidification des océans et la présence humaine.

La goélette de "Tara" sillonnera l’océan Pacifique sur près de 100 000 km pendant plus de deux ans. | Tara Expéditions

Avec leurs couleurs éclatantes et leurs formes étranges, les coraux sont de véritables trésors sous-marins. S’ils ne couvrent que moins de 0,2 % de la superficie des océans, ils abritent près de 30 % de la biodiversité marine. « Grâce à eux, on peut comprendre l’évolution du vivant, ce sont des marqueurs de santé. Ils protègent les pays insulaires des tempêtes et sont aussi une source importante de tourisme », rappelle Romain Troublé, secrétaire général de Tara Expéditions, une organisation à but non lucratif.

20 % des récifs déjà détruits

Régulièrement confrontés à des menaces naturelles, comme la « maladie de la bande blanche », les coraux disparaissent depuis plusieurs années. Mais l’empreinte humaine y est aussi pour quelque chose. « On sait que le réchauffement climatique contribue au blanchissement les coraux. Mais l’urbanisation est aussi une menace importance, avec la surpêche ainsi que la pollution », détaille Romain Troublé. Vingt pour cent des récifs sont déjà détruits, 15 % sont très endommagés et risquent de disparaître d’ici à dix ans et 20 % supplémentaires d’ici à quarante ans. Leur santé et celle des millions de bactéries qui les entourent est pourtant cruciale. Comme la forêt tropicale, les récifs alimentent de nombreux autres animaux : poissons, éponges, serpents marins.

Pendant deux ans, avec seize personnes à son bord, Tara Pacific va donc sillonner les océans à la recherche de coraux à étudier. Du canal de Panama à l’archipel du Japon (2016-2017), puis de la Nouvelle-Zélande jusqu’en Chine (2017-2018), la goélette croisera 11 fuseaux horaires à travers l’océan le plus vaste de la planète, joignant notamment les terres insulaires et les récifs les plus isolés de la planète. « C’est la première fois que l’on aura une vision aussi globale des récifs, puisque nous allons aller chercher ceux les plus éloignés et encore inconnus », explique Serge Planes, chercheur CNRS et directeur scientifique de l’expédition.

Quelle résilience pour les coraux

Un des objectifs majeurs de l’expédition est de comprendre l’adaptation, « la résilience », des coraux face au stress climatique ou humain. « Nous allons en extraire des morceaux grâce à des sondes, des techniques de carottage, et analyser dans le détail cet écosystème », précise Romain Troublé. Car le corail n’est pas simple à appréhender : plusieurs milliers d’espèces existent, parfois âgées de 4 000 ans.

L’idée de l’étude de cet écosystème est venue lors de la précédente expédition, Tara Oceans. « Pendant quatre ans, nous avons travaillé sur le plancton, nous avons trouvé différents récifs de coraux entre 2009 et 2012, et ils se portaient plutôt bien. Tara Pacific est née de ce projet, car nous voulions voir comment allaient les autres barrières de coraux », raconte Romain Troublé. Tara Pacific est la 11e expédition scientifique menée par l’organisation.