British screenwriter Tony Grisoni poses during a photocall on September 6, 2014 during the 40th Deauville's US Film Festival in the French northwestern sea resort of Deauville. AFP PHOTO/CHARLY TRIBALLEAU / AFP PHOTO / CHARLY TRIBALLEAU | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Scénariste connu pour ses collaborations avec Michael Winterbottom (In this World), John Boorman, James Marsh et Terry Gillians (Las Vegas Paranos, Tideland, Les Frères Grimm et l’inachevé L’Homme qui tua Don Quichotte), Tony Grisoni est également l’auteur des séries « The Red Riding » et « Southcliffe ». Invité au festival Séries Mania, il s’explique notamment sur ce qui l’a conduit du cinéma à la télévision.

Comment et pourquoi en êtes-vous venu à écrire pour la télévision ?

Mon grand amour, c’est le cinéma. Cela tient à ma génération : je suis né en 1952, il y avait la télévision chez moi, mais le cinéma, c’était comme aller à l’église. Pour autant, dans ma jeunesse, de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1980, la télévision au Royaume-Uni était absolument fabuleuse. Elle proposait chaque semaine des téléfilms époustouflants s’appuyant sur de très grands producteurs, réalisateurs et scénaristes. Cette télévision-là créait la controverse, bousculait le statu quo, instaurait un vrai dialogue avec son public, c’était vraiment passionnant. Surtout à la BBC, forme et fond étaient constamment retravaillés et remis en cause. Malgré cela, c’est le cinéma qui me faisait rêver, c’est lui auquel je pensais lorsque j’écrivais. Si bien que lorsque le film Queen of Hearts est sorti, en 1989, je me suis considéré comme un scénariste de cinéma.

Toute carrière a ses hauts et ses bas, et j’ai connu un très gros trou d’air avec le projet L’Homme qui tua Don Quichotte, de Terry Gilliam, resté inachevé. C’est alors que j’ai rencontré le réalisateur Michael Winterbottom et le producteur Andrew Eaton, pour lesquels j’ai écrit In this World (2002), avant qu’Andrew Eaton ne me propose d’adapter les quatre tomes du Quatuor du Yorkshire (Red Riding Quartet), de David Peace. J’ai trouvé ces livres si puissants que j’ai souhaité les adapter, sans penser précisément à la télévision, au départ.

Red Riding : 1983 (Anand Tucker) - Bande Annonce
Durée : 00:35

Or seule la télévision offrait la possibilité d’adapter cet ensemble de manière satisfaisante. Elle me permettrait aussi de rester à la hauteur de l’ambition de l’œuvre : parce que loin d’être seulement un scénariste que l’on oublie une fois qu’il a rendu sa copie, comme au cinéma, je pouvais être présent et écouté en amont de tout choix (réalisateur, acteurs, décors, etc.), et responsable de l’ensemble du projet jusqu’à sa fin, tout autant que le producteur, le réalisateur et la chaîne. C’est une énorme et incroyable liberté ! Je dois dire que cela m’a convaincu.

Il y a là quelque chose d’absolument irremplaçable pour un auteur que de pouvoir être là lorsque l’on met vos mots en images. Ce que j’ai pu vivre également avec énormément de bonheur lorsque j’ai créé la série « Southcliffe » (2013) et suivi le tournage en étroite collaboration avec le réalisateur Sean Durkin.

Pensez-vous que tout le monde dispose d’un tel degré de liberté au Royaume-Uni ou que cela tient à votre passé dans le cinéma ?

Je crois surtout que c’est lié à une période donnée. Il me semble que les choses sont en train de changer, mais peut-être que ce que je dis-là ne reflète qu’une crainte de ma part.

Lorsqu’avec le producteur Peter Carlton nous avons présenté le projet de « Southcliffe », je n’en connaissais pas grand-chose. Je savais où cela se passerait, que l’intrigue résulterait d’une tuerie, que je m’intéresserais à la douleur des gens après avoir perdu un des leurs, mais pas plus ! Je n’avais rien écrit, et pourtant Channel 4 m’a dit « banco ! ». Je ne suis pas certain que ce serait le cas aujourd’hui. Je crains que la liberté et la prise de risque que j’ai connues ne soient plus vraiment d’actualité.

Red Riding : 1983 (Anand Tucker) - Bande Annonce
Durée : 00:35

Les scénaristes français seraient contents d’avoir le quart de cette considération…

Je sais que c’est très difficile en France pour les scénaristes de disposer d’autant de liberté et de responsabilités, mais c’est en train d’évoluer.

Tout cela vient de la tradition française du « cinéma d’auteur » des années 1960, qui veut que l’auteur d’un film ne soit pas celui qui l’a écrit mais celui qui l’a tourné (ces deux activités ne relevant pas de la même personne, le plus souvent). Qui invite-t-on à Cannes ? Celui qui a eu l’idée originale du film, celui qui a imaginé le scénario ? Non. Le réalisateur et lui seul ! Le scénariste n’est même jamais mentionné, souvent, il est rendu invisible. Pourtant, en tant qu’auteur, je fais exactement la même chose, que je travaille pour le cinéma (où l’on ne me cite pas) ou pour la télévision (où je suis crédité du titre de créateur)…