L’industrie du tourisme en Tunisie représentait une part essentielle de l’économie du pays. Avant la révolution de 2011, le tourisme représentait 7 % du PIB et employait 400 000 personnes. Mais ce secteur a été mis à mal par les attaques terroristes meurtrières de 2015 au musée du Bardo et sur la plage de Sousse. La ministre du tourisme tunisienne, Selma Elloumi Rekik, s’est rendue vendredi 22 avril en France pour réaffirmer les liens d’amitiés entre les deux pays et décorer treize « amis français de la Tunisie » pour inciter les touristes de l’Hexagone à revenir dans son pays. Dans un entretien, elle tente de rassurer sur les mesures sécuritaires adoptées pour relancer un secteur à l’agonie.

De combien le tourisme a-t-il baissé en Tunisie ?

Selma Elloumi Rekik Après la révolution, nous avons connu une baisse du tourisme. Puis nous avons constaté une légère reprise avant de subir la crise de 2015. Le secteur du tourisme en Tunisie a été très durement touché en 2015, particulièrement après l’attaque de Sousse. Le tourisme a enregistré une forte baisse du taux de fréquentation : entre 26 et 30 % de moins qu’en 2014.

Au-delà de la Tunisie, c’est le tourisme dans toute la région qui a été mis à mal. Pas seulement dans des pays comme la Turquie et l’Egypte, qui ont aussi subi des attaques terroristes récemment, mais aussi au Maroc ou encore à Oman par exemple. D’après de nombreux tour-opérateurs, beaucoup de touristes font encore l’amalgame entre les pays de religion musulmane et le terrorisme.

Selma Elloumi Rekik, ministre tunisienne du Tourisme a remis, le 22 avril à Paris, au nom du président tunisien Mohamed Béji Caïd Essebsi, 89 ans, l’ordre du mérite culturel à Jean Daniel, journaliste, écrivain et fondateur du Nouvel Obs, 95 ans. | Julia Küntzle

Certains pays déconseillent encore fortement à leurs ressortissants de se rendre en Tunisie pour leurs vacances. Est-ce que vous les comprenez ?

Je comprends que l’on veuille protéger ses concitoyens, mais je le regrette. Ce qui est arrivé en Tunisie peut se passer n’importe où. Cette année, la Turquie, la France et la Belgique ont aussi été visés par le terrorisme. Les pays qui ont interdit à leurs ressortissants de se rendre en Tunisie ont donné aux terroristes ce qu’ils voulaient. Aujourd’hui, le risque zéro n’existe nulle part.

Toutes les zones touristiques sont aujourd’hui complètement sécurisées par le ministère de l’Intérieur, en vertu de normes internationales contre le terrorisme qui sont appliquées dans le monde entier.

Les gens qui reviennent en Tunisie réalisent qu’il n’y a pas de problème de sécurité. Il s’agit de situations ponctuelles qui se sont passées, qui sont graves, et qui ont généré cette réaction de méfiance vis-à-vis de la Tunisie.

Notre unique problème encore aujourd’hui, c’est la frontière avec la Libye, avec des zones comme Ben Guerdane, qui ne sont pas touristiques et où l’armée patrouille. Pour ce qui est des circuits touristiques, s’il y a même un risque de 1 % sur une destination, nous interdisons le site pour des raisons de sécurité.

Concrètement, comment faites-vous face à ces nouveaux défis sécuritaire ?

La relance du tourisme en Tunisie dépend de la sécurité. Aujourd’hui, je parle davantage de sécurité que de tourisme, parce que c’est la condition sine qua non au développement du pays. Sans sécurité, ni le tourisme, ni l’économie du pays ne peuvent reprendre. Et si nous voulons réussir notre transition démocratique, la paix sociale est essentielle pour le développement du pays, pour que les investissements reprennent et pour créer de l’emploi.

Ce n’est pas avec de la publicité que nous ferons revenir les touristes en Tunisie. Il faut miser d’abord sur la sécurité et le ministère de l’Intérieur est à l’œuvre pour assurer la sécurité de nos touristes. Des experts de l’Union européenne sont déployés pour contrôler les sites touristiques, en collaboration avec les autorités, pour uniformiser les procédures drastiques. Et un manuel exigeant de procédures en cas d’attaque terroriste a été élaboré.

Et au-delà de ce manuel de procédures ?

Nous ne demandons pas aux hôtels de faire le travail des forces de l’ordre mais de collaborer, et de respecter scrupuleusement les consignes. Après l’attentat du Bardo, nous avions mobilisé des agents du ministère de l’intérieur armés de fusils d’assaut autour des sites touristiques. Mais nous avons constaté que cela ne rassurait pas les gens. Aujourd’hui, nous avons recours à des méthodes plus discrètes. Il y a donc toujours des gardes armés dans les hôtels, formés par le ministère de l’intérieur, même si ce n’est pas toujours visible.

En 2015, nous avons réalisé 12 000 opérations d’inspection avec l’office du tourisme et nos inspecteurs, sur environ 500 sites touristiques. 2 500 opérations techniques pures ont été menées par la police. Si des établissements ne respectent pas les normes sécuritaires, les sanctions sont appliquées. Un avertissement d’abord, puis la fermeture pure et simple si le problème persiste.