Ahmet Davutoglu, le premier ministre turc, le 5 avril 2016. | ADEM ALTAN / AFP

La rupture est consommée entre Ahmet Davutoglu et Recep Tayyip Erdogan. Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) au pouvoir tiendra un congrès extraordinaire le 22 mai. A cette occasion, le premier ministre, Ahmet Davutoglu, ne sollicitera pas de nouveau mandat. Cela signifiera aussi la fin de son mandat de premier ministre, le chef de l’AKP, au pouvoir depuis 2002, ayant toujours été également à la tête du gouvernement.

M. Davutoglu a confirmé, jeudi 5 mai au cours d’une conférence de presse à Ankara, qu’il quittera son poste à la tête du gouvernement le mois prochain. « L’AKP entre maintenant dans une nouvelle ère », a-t-il déclaré.

Un « cavalier seul » qui est mal passé

Ahmet Davutoglu et le président Recep Tayyip Erdogan entretiennent une relation tendue depuis que Davutoglu a succédé en 2014 à Erdogan au poste de premier ministre, quand ce dernier a été élu président. Le retrait d’Ahmet Davutoglu mettrait un terme aux tensions et divergences de plus en plus perceptibles ces derniers temps entre M. Davutoglu et M. Erdogan, qui (co) dirigent le pays depuis plus d’un an et demi

M. Erdogan n’aurait ainsi guère apprécié le « cavalier seul » de son premier ministre à Bruxelles sur le dossier des migrants. Selon la presse, c’est M. Davutoglu qui, de son propre chef, sans en référer à M. Erdogan, aurait proposé à la chancelière allemande, Angela Merkel, que la Turquie reprenne tous les réfugiés arrivés en Grèce depuis le 20 mars.

Des dissensions sont aussi récemment apparues entre MM. Davutoglu et Erdogan au sujet du placement en détention provisoire de journalistes pendant leur procès, mesure à laquelle le premier ministre s’est publiquement opposé.

Le contrôle sur le parti déjà rogné

Selon le journaliste Erdem Gül, du quotidien Cumhuriyet, certains responsables des services secrets, de l’armée, du ministère des affaires étrangères, sont devenus d’ardents partisans du premier ministre, ce qui a eu pour effet « d’alimenter les inquiétudes au sein de l’entourage présidentiel ».

M. Erdogan, qui ambitionne un pouvoir présidentiel fort, a déjà rogné les pouvoirs et le contrôle de M. Davutoglu sur l’AKP. Le 29 avril, le comité exécutif du parti, composé aux trois quarts de fidèles du président Erdogan, lui a retiré le pouvoir de nommer les dirigeants du parti dans les régions.

Si M. Davutoglu dirige officiellement l’AKP, M. Erdogan, censé être au-dessus de tout parti en tant que chef de l’Etat, dispose de nombreux fidèles au sein de la formation politique qu’il a fondée en 2001.

De nombreux successeurs potentiels

Les successeurs potentiels de M. Davutoglu sont nombreux et deux noms sont régulièrement cités par la presse : Binali Yildirim, ministre des transports et vieux compagnon de route du président, et Berat Albayrak, ministre de l’énergie et gendre du chef de l’Etat.

Cette instabilité au sommet de l’Etat pourrait être lourde de conséquences alors que la Turquie traverse plusieurs crises d’ampleur : menace djihadiste, reprise du conflit kurde, guerre en Syrie, afflux de migrants…