Le navire Aquarius au large de l'île italienne de Lampedusa. | Patrick Bar / AP

Mercredi, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) rapportait les témoignages d’un groupe de 41 migrants assurant être les seuls survivants d’un naufrage qui aurait fait plusieurs centaines de morts. Ce drame, s’il est avéré (seules les autorités somaliennes l’ont pour l’instant confirmé), pose à nouveau la question des moyens mis en œuvre par l’Union européenne (UE) pour éviter de telles tragédies.

Deux opérations pilotées par l’UE sont aujourd’hui actives en Méditerranée, mais leur objectif premier est le contrôle des frontières, et non le sauvetage des migrants.

  • « Triton » en Italie

Lancée le 1er novembre 2014, « Triton » est une opération coordonnée par Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières extérieures de l’UE. Elle prend la relève de « Mare nostrum », une opération de sauvetage menée pendant un an par la marine militaire italienne. Le gouvernement italien avait décidé d’agir après le terrible naufrage survenu en octobre 2013, lorsque 366 migrants avaient péri dans les eaux méditerranéennes au large de l’île italienne de Lampedusa.

Triton n’est cependant pas une opération de substitution à Mare nostrum. Cette dernière avait spécifiquement été créée pour le sauvetage des migrants et œuvrait jusqu’aux côtes libyennes. Elle aurait permis de sauver 150 000 vies, moyennant un coût important pour l’Italie : 9 millions d’euros par mois. Sa relève européenne a comme but premier le contrôle des frontières et est cantonnée aux eaux territoriales italiennes. La marine militaire italienne mène aujourd’hui l’opération « Mare sicuro », dont l’objectif principal est la sécurité des côtes.

« Triton » ne bénéficie que de moyens limités : environ 3 millions d’euros par mois et la mise à disposition, par les Etats membres de l’UE, de quelques navires, de quatre avions, d’un hélicoptère et de 65 officiers. Dès son lancement, les ONG ont dénoncé son inadaptation. Amnesty International avait jugé qu’elle serait « vouée à l’échec », car elle « se trompait d’objectif ».

C’est à nouveau un drame qui fera bouger les lignes. En avril 2015, 800 personnes meurent noyées au large de Lampedusa. Accusée de « rester les bras croisés alors que des centaines de personnes meurent au large de ses côtes », l’UE accouche de l’opération « Sophia ».

  • « Sophia » dans les eaux internationales

L’opération Sophia a été lancée en juin 2015. Mais son objectif principal n’est pas non plus le sauvetage de migrants. Sa mission première est la lutte contre le trafic des passeurs en Méditerranée, « l’une des dimensions de l’action visant à mettre un terme à la tragédie humaine à laquelle nous sommes confrontés », assure l’UE.

Cantonnée aux eaux internationales au large de la Libye, elle implique des militaires et des moyens de 24 des 28 pays de l’UE. Selon Federica Mogherini, la haute représentante aux affaires étrangères européennes, Sophia est « un succès » et a permis :

- de sauver 12 600 personnes ;

- de stopper 68 « suspects » et de les transférer à la justice italienne ;

- de neutraliser et « rendre hors d’usage » 104 bateaux.

Avant le naufrage dramatique rapporté dimanche au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, les Vingt-Huit avaient annoncé vouloir élargir le mandat de la mission dans les eaux territoriales libyennes. Ils ne peuvent le faire sans l’accord du gouvernement libyen, qui n’a pas, pour l’heure, réclamé directement une intervention de l’UE.

A eux deux, Triton et Sophia ne couvrent pas le territoire de Mare nostrum.

  • Les navires dédiés uniquement au secours affrétés par des ONG

L’Aquarius est un navire affrété par les ONG Médecins du monde et SOS Méditerranée pour venir en aide aux migrants qui font naufrage en tentant de rallier l’Europe. C’est en apprenant fin 2014 que l’Italie mettait fin à l’opération Mare nostrum que le capitaine Klaus Vogel a décidé de lancer son projet. « Nous sommes là pour faire notre devoir en tant que société civile européenne », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse avant que le navire ne lève l’ancre, au mois de février.

Equipé d’une clinique, cet ancien garde-côtes allemand positionné en haute mer, à proximité des eaux territoriales libyennes, peut accueillir jusqu’à 500 personnes. Le budget de cette opération, prévue pour durer trois mois, est de 975 000 euros, financé en grande partie par des dons, notamment grâce à une collecte sur Internet.

Aujourd’hui, seuls les navires privés affrétés par des ONG sont dédiés exclusivement au secours de migrants.