Depuis le 31 mars, la place de la République est occupée chaque soir par le mouvement Nuit debout, réuni la première fois après une manifestation contre la loi travail. En trente jours d’occupation, Nuit debout s’est organisée et s’est imposée dans les médias, même si elle refuse toujours d’avoir un leader, un porte-parole et une liste claire de prérogatives. Bilan des différents enjeux de Nuit debout, un mois après le début du mouvement.

  • Qui sont les participants à Nuit debout ?

Le mouvement d’occupation de la place de la République réunit des publics assez divers, selon les heures de la journée. En fin d’après-midi, les passants, curieux et habitants du quartier sont nombreux, mais dans la journée et tard le soir, un public plus militant, qui regroupe des sensibilités « à la gauche de la gauche » est majoritaire. Les étudiants forment une bonne partie du public de Nuit debout, mais tous les âges sont représentés, du lycéen au retraité.

  • Que veut Nuit debout ?

Les revendications de Nuit debout ne sont toujours pas claires, en vertu de cette phrase délivrée par l’économiste Frédéric Lordon, la veille de la première occupation, dans l’amphi occupé de l’université Paris I - Tolbiac : « Nous ne revendiquons rien. » Après un mois d’occupation, le mouvement tente cependant, pour éviter l’essoufflement, de se recentrer sur la loi El Khomri, son premier chef d’action. Cela devrait permettre au mouvement de s’allier aux syndicats, en lutte contre la loi travail. Les « commissions » de Nuit debout ont planché sur de nombreux sujets, qui restent cependant à l’état de réflexion, en l’absence de direction.

  • Qu’en pensent les syndicats ?

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, prend la parole lors d'une assemblée générale de Nuit Debout, le 28 avril 2016 sur la place de la République à Paris. | Olivier Laban-Mattei/Myop pour "Le Monde"

A titre individuel, des syndiqués se sont intéressés de près au mouvement ou y ont participé. Mais les organisations syndicales en lutte contre la loi travail n’ont pas toutes la même position « officielle » face au mouvement. Solidaires, par exemple, est très proche de Nuit debout et a pu apporter une aide logistique et administrative au mouvement. La CGT, d’abord un peu distante, a décidé lors du congrès de Marseille de tendre la main à Nuit debout. Son secrétaire général, Philippe Martinez, est venu rencontrer, le 28 avril, une délégation, puis prendre la parole devant l’assemblée. Force ouvrière, de son côté, veut rester concentrée sur la lutte contre la loi travail.

  • Qui sont les organisateurs ?

Il est très difficile de déterminer qui « mène » Nuit debout. La seule chose que l’on connaît de façon certaine, c’est l’identité des initiateurs. Il s’agit d’un petit groupe de militants constitué autour de Frédéric Lordon, économiste, et de François Ruffin, journaliste, réalisateur de Merci patron ! et fondateur de la revue indépendante Fakir. Ce petit groupe a eu l’idée d’occuper la place après la manifestation du 31 mars. Il continue à proposer des directions au mouvement, suscitant parfois la méfiance de certains participants. L’idée de la soirée de « convergence » le 28 avril est née après le débat « Et après ? », durant lequel François Ruffin a appelé à se rapprocher des syndicats. Mais on ne peut pas lui en attribuer la « décision ». A Nuit debout, tout est toujours soumis au vote des commissions.

Les commissions sont le deuxième élément qui permet de dessiner une « organisation », même si, officiellement, Nuit debout n’en a pas. Elles débattent de projets et les votent, car l’assemblée générale n’est plus votante, les participants ayant jugé que le public allant et venant sur la place ne pouvait pas être considéré comme une assemblée votante stable. La semaine dernière, des tensions sont apparues, certains participants à l’AG accusant les commissions de « devenir autonomes » à leur détriment.

  • Nuit debout peut-elle s’étendre au-delà de la place de la République ?

Des occupations de places ont été lancées dans plusieurs villes de France, comme à Marseille, Lyon, Toulouse ou Nice. Dans l’ensemble, ces rassemblements restent modestes, avec quelques centaines de participants, et ne se déroulent pas de façon continue comme sur la place de la République. Des mouvements Banlieues debout ont été tentés en région parisienne, avec un succès mitigé.

  • Les enjeux de sécurité menacent-ils Nuit debout ?

Paris, Place de le République, le 13 avril 2016. Les CRS et gendarmes mobiles escortent des manifestants vers la place de la République, après qu'un petit groupe est parti soutenir un "camarade" en garde à vue dans le 2e arrondissement. | JULIEN MIGNOT POUR "LE MONDE"

Des débordements en marge du mouvement sont survenus, notamment le soir de la manifestation du 9 avril et la semaine suivante. Une altercation avec Alain Finkielkraut, le 16 avril, a provoqué un tollé dans la presse, qui s’est dans l’ensemble offusquée de l’accueil réservé à l’académicien par certains militants.

De nouveaux débordements ont éclaté après la manifestation du 28 avril. Cette nuit-là, vingt-quatre personnes ont été placées en garde à vue pour des dégradations et des violences. Deux véhicules ont été incendiés. La préfecture de police a mis en garde les organisateurs de Nuit debout, les incitant à se doter d’un service d’ordre et à faciliter l’évacuation de la place à l’heure de fin d’autorisation de manifester (minuit ou 1 heure du matin, selon les jours). La suite du mouvement pourrait donc être suspendue à cette question.

  • Que pensent les politiques de Nuit debout ?

Nuit debout suscite globalement la bienveillance à gauche, du côté du gouvernement et de la mairie de Paris, malgré quelques rappels à l’ordre sur la gestion des débordements. A droite, l’installation du mouvement a suscité des interrogations sur sa compatibilité avec l’état d’urgence. Après une dizaine de Nuits debout, le parti Les Républicains a demandé l’évacuation de la place, tout comme le Front national.