Bobby Cannavale dans le rôle de Richie Finestra. | NIKO TAVERNISE

La série « Vinyl  », lancée aux Etats-Unis le 14 février par HBO et diffusée vingt-quatre  heures plus tard en France sur la chaîne OCS City, s’est offert le luxe d’un gigantesque portail, en faisant précéder ses neuf épisodes d’un long « pilote  », réalisé par Martin Scorsese. Il a été unanimement reconnu que ce premier volet pouvait, par la qualité de son propos, sa durée exceptionnelle (près de deux heures) et l’extraordinaire sophistication de sa mise en scène, passer pour un nouveau long-métrage de l’auteur de Mean Streets (1973), Taxi Driver (1976) ou du plus récent Loup de Wall Street (2013).

Scorsese – l’un des créateurs de « Vinyl  », avec Mick Jagger, Rich ­Cohen et Terence Winter – a procédé, tout comme les réalisateurs affectés au tournage des épisodes suivants, à une reconstitution du New York de ses premiers films  : grâce à une sourcilleuse direction artistique (décors, accessoires, costumes, coiffures, etc.), et grâce aussi à la manipulation électronique des images – pour rajouter par exemple des graffitis vintage sur les façades d’immeuble –, c’est le New York assez décati des années 1970 qui renaît.

Le récit narre les déboires de Richie Finestra, patron d’une maison de disques au bord de la faillite

Ce « pilote  » ébouriffant, notamment par sa dernière scène, est une bannière formidable, mais aussi une croix qui pèse quelque peu sur la suite des épisodes. ­Lesquels, en étant « raccord » avec le pilote, ne déméritent pas, sans pour autant enthousiasmer franchement. Le récit narre les déboires de Richie Finestra, patron d’une maison de disques au bord de la faillite, qu’il veut vendre à ­Polygram pour se rétracter bientôt, et dont il tente ensuite de reconstruire le catalogue et la trésorerie, avec les inévitables petits arrangements entre idéal artistique et nécessité commerciale (la scène avec le chanteur de Broadway ­Robert Goulet, à propos de l’enregistrement d’un disque de Noël, est, à cet égard, succulente).

Un monde libertaire, interlope

Entre alcool, filles, drogues (Richie carbure à la coke et au whisky) et mafia, c’est tout un monde libertaire, interlope et passablement apocalyptique que dépeint « Vinyl  », avec, en sus, pour ne pas uniquement faire reposer l’intérêt sur une trame musicale, aussi remarquable soit-elle, une intrigue policière autour de l’enquête sur un meurtre auquel Richie est mêlé.

Les amateurs de musique populaire anglo-saxonne de l’époque trouveront dans « Vinyl  » un soin et une finesse de choix exceptionnels, qu’on doit à Randall ­Poster, directeur musical engagé par Scorsese, avec lequel il avait déjà travaillé (pour la série « Boardwalk Empire  », produite par le cinéaste, et pour Le Loup de Wall Street).

En mêlant personnages réels – des acteurs sosies incarnent John Lennon, Jimmy Hendrix, David Bowie ou Andy Warhol et sa bande du Velvet Underground – et fictifs (dont le groupe des Nasty Bits, avec en leader le propre fils de Mick ­Jagger), et en leur associant une trame musicale, « Vinyl  » a trouvé son ton. Nul doute que la saison 2 corrigera les problèmes de rythme rencontrés par la première.

« Vinyl  », créée par Martin Scorsese, Mick Jagger, Rich Cohen et Terence Winter (US, 2015, 1 × 112 min, 9 × 60 min). Disponible en téléchargement en format HD sur Google Play, iTunes, Orange, Sony et Xbox (version originale sous-titrée) et le 6  juin en version française (28,99 euros).