François Hollande, Jean-Yves Le Drian accueillis par le président Faustin Touadera à leur arrivée à Bangui en Centrafrique, le 13 mai. | STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

Figé dans sa statue plantée à l’entrée du KM5, le lieutenant Georges Koudoukou aurait eu tant de choses à dire à François Hollande, en visite à Bangui vendredi 13 mai après-midi. Lorsque le chef de l’Etat français est passé devant le monument érigé en l’honneur de ce héros de la France libre, mort après avoir été blessé à Bir-Hakeim, ce dernier aurait pu lui glisser qu’il n’y a pas si longtemps, étaient inscrits sur le socle de sa statue des messages promettant à son visiteur du jour la Cour pénale internationale.

Dans le quartier du KM5, dernière enclave musulmane de la capitale centrafricaine, les sentiments à l’égard de la France ont depuis évolué. Vendredi, il n’était plus question de la vouer aux gémonies, de lui rappeler que le déclenchement de l’opération « Sangaris » en décembre 2013 a entraîné la chute du pouvoir de la Séléka – suivi d’un cycle de vengeances contre la minorité islamique. « Restez ! », clame un commerçant, derrière un solide dispositif de sécurité. « Il ne faut pas que la France nous tourne le dos. La paix n’est pas sûre », ajoute son voisin. M. Hollande a fait ce bref déplacement pour signifier au nouveau président centrafricain (Faustin-Archange Touadéra) et aux 650 soldats français encore présents, la fin de « Sangaris ». Dans le reste de la capitale, l’accueil était bien moins chaleureux.

Une myriade de conflits

Le lieutenant Koudoukou, premier officier centrafricain aurait aussi pu dire aux chefs des armées françaises qu’à quelques kilomètres de sa région natale, près de Kaga-Bandoro, à plus de 350 kilomètres au nord de Bangui, les mouvements du général Al Khatim, chef d’une branche des ex-rebelles de la Séléka, donnent des frissons à la population et aux chinois prospecteurs de pétrole qui s’y trouvent. Plus à l’ouest, à proximité des frontières du Cameroun et du Tchad, les tensions ne cessent de s’exacerber entre pasteurs Peuls et agriculteurs. Des conflits qui se règlent désormais à coup de fusils d’assaut.

La République centrafricaine (RCA) n’est plus le théâtre d’une guerre de blocs, s’ils ont jamais existé, entre Séléka, alliance de mouvements rebelles à majorité musulmane, et miliciens Anti-Balaka, mais d’une myriade de conflits où se mêlent luttes pour le contrôle de territoires, banditisme et « protection » de communautés.

Trois mois après son élection à la présidence, le professeur de mathématiques Faustin-Archange Touadéra a déjà résolu plusieurs équations. Celle de la réalisation d’une victoire dans les urnes sans appareil politique, puis de la formation d’un gouvernement composé de son cercle rapproché, d’un fils d’empereur, Jean-Serge Bokassa, à l’intérieur, d’un conseiller municipal PS à la mairie du 13e arrondissement de Paris – Joseph Yakété –, à la défense, et d’anciens membres des gouvernements Bozizé, dont. M. Touadéra fut le premier ministre entre 2008 et 2013.

L’aide de la France est attendue

Il reste désormais au nouvel élu, comme il le détaille, à remporter les défis de « la paix, la sécurité, la réconciliation nationale, l’assainissement des finances publiques, la relance de l’économie et la satisfaction des besoins de base des populations. » Pour y parvenir, sa première urgence sera d’engager un processus de désarmement et de réinsertion des combattants, « clé de voûte de la relève » de la RCA. L’aide des bailleurs étrangers, et notamment de la France, premier partenaire, est à ce titre fortement attendue.

Honoré par son hôte qui lui a signifié « la reconnaissance des Centrafricains », François Hollande a lui salué « une élection qui peut servir de référence en Afrique » avec un scrutin pluraliste comme « ailleurs en Afrique, mais pas partout ». Une allusion aux élections contestées au Congo-Brazzaville et au Tchad.

Vers un désengagement militaire

Pour la France, le problème à régler est celui d’un désengagement militaire, sans laisser l’impression d’abandonner la RCA à un moment crucial. « La responsabilité qui était la mienne était de prendre la décision d’intervenir alors que nos armées étaient déjà engagées au Mali, a déclaré le président français, qui effectuait sa troisième visite en trente mois. Mais ma responsabilité de chef de l’Etat, une fois que cette opération a été menée à son terme avec le succès que l’on vient de saluer, c’est alors d’y mettre un terme, parce que nos armées sont appelées sur d’autres fronts. » Les priorités militaires sont au Sahel, « encore pour longtemps en Syrie et en Irak » ou à la protection du territoire, mais « la France est et sera toujours là », a insisté M. Hollande.

Selon le ministre de la défense, qui accompagnait le chef de l’Etat, dans un proche avenir entre 70 et 100 militaires contribueront au sein d’une mission de l’Union européenne à la formation d’une nouvelle armée centrafricaine, une centaine d’autres sera déployé au sein de la Mission des Nations unies. Enfin, un détachement d’environ 250 hommes sera positionné sur l’aéroport de Bangui-M’Poko. L’armée française n’en a donc pas fini avec l’un de ses principaux terrains d’intervention (six depuis 1979).

L’étape de Bangui achevée, François Hollande s’est rendu vendredi soir à Abuja, la capitale du Nigeria. Un voyage pour un sommet consacré le lendemain à la lutte contre Boko Haram. Une autre crise où les militaires français sont engagés.