Rachid Nekkaz est tout sourire ce mercredi de fin avril. À peine arrive-t-il dans un café de l’aéroport d’Alger, d’où il doit s’envoler vers l’Espagne, qu’un jeune homme se dirige vers lui pour un selfie. Sur la table, le quotidien El Watan évoque le coup de force réalisé la veille par celui qui est désormais un homme politique algérien, après qu’il a renoncé à sa nationalité française pour tenter de participer à la présidentielle algérienne de 2014. Il s’était aussi présenté en France, sans plus de succès, en 2006.

Sur la vidéo du coup en question, très partagée sur le net, on voit le quarantenaire à l’entrée d’un bâtiment, les bras en l’air, au milieu d’une foule dont on a du mal à cerner si elle le soutient ou le repousse : « On ne fait pas de politique dans la maison de Dieu, crie-t-il. Cet homme doit rendre des comptes devant la justice algérienne. »

3 124 kilomètres à pied

Rachid Nekkaz vient de faire capoter la visite de l’ancien ministre de l’Énergie dans une zaouïa (édifice religieux) de Aïn Merane, à 200 kilomètres à l’ouest d’Alger. Depuis un mois, Chakib Khelil, c’est de lui qu’il s’agit, visite ces lieux de culte pour y obtenir une sorte de bénédiction, provoquant l’indignation d’une partie de l’opinion qui y voit parfois une étape vers une candidature présidentielle.

Le problème est que l’homme, que l’on dit très proche du président Abdelaziz Bouteflika, a longtemps été visé par un mandat d’arrêt dans le cadre du scandale de corruption de la société nationale d’hydrocarbures, la Sonatrach, annulé dans des conditions troubles, en Algérie, pour vice de forme. Après plusieurs années aux États-Unis, il est rentré au pays le 17 mars.

« Nous sommes contents d’avoir pacifiquement mis en échec cette instrumentalisation politique d’un lieu de spiritualité, ce qui est interdit par la loi », se félicite Rachid Nekkaz. Il a depuis la veille mobilisé des centaines d’habitants de la ville, d’où son père était originaire. Plusieurs journaux ont salué « la méthode Nekkaz », qui ne s’est pas contentée de communiqués de presse pour perturber, pour la première fois, le très médiatisé tour des zaouïas.

L’homme politique et militant, qui a aussi dans le collimateur le ministre de l’Industrie, Abdesslam Bouchouareb, cité tout deux comme proches de Chakib Khelil dans les Panama Papers, compte bien continuer. Il a poursuivi l’ancien ministre jusqu’à Adrar, ce dimanche, à mille kilomètres au sud d’Alger mais n’a pas pu réunir autant de monde que dans sa région. Les habitants du sud l’y connaissent pourtant depuis qu’il a marché avec eux, en 2015, contre l’exploitation en Algérie du gaz de schiste.

Pour l’environnement ou la démocratie, le diplômé en histoire - qui vit grâce à un parc immobilier en France dont il dit vouloir se séparer l’année prochaine - affirme avoir effectué 3 124 kilomètres à pied en Algérie.

Des « likes » aux bulletins de vote ?

« Ses coups médiatiques font plaisir, reconnaît Hakim, la trentaine, responsable RH dans une entreprise. Mais il est difficile de le prendre au sérieux dans la durée. » Un journaliste se montre plus sévère : « Il est populaire parmi les jeunes, mais il multiplie trop les coups de gueule pour faire le buzz. Je ne crois pas que ses fans vont transformer leurs « like » en bulletins de vote. »

Rachid Nekkaz, dont le Mouvement pour la jeunesse et le changement n’est pas encore agréé, n’a jamais dépassé 1 % de votes lors les scrutins locaux auxquels il a pris part en France. Mais sur Facebook, où il poste en arabe et français, il séduit : « 893 000 abonnés, essentiellement identifiés dans la tranche 15-34 ans, 95 % d’Algériens, 26 % de femmes et 60 % d’arabophones », clame-t-il.

« Je suis certes un ovni, admet-il, mais je suis aussi un homme politique avec lequel il faut discuter car je suis le plus populaire d’Algérie. » Comparé à BHL pour son look, ses méthodes et l’agacement qu’il peut provoquer, il dit vouloir travailler dans la durée contre ceux « qui considèrent les Algériens comme un peuple mineur. »

Six procédures judiciaires en Algérie

Si Nekkaz assure n’avoir jamais eu de problème avec les forces de sécurité, il dit cumuler six procédures judiciaires, notamment pour « attroupement » et « espionnage ». En France, où il a milité pour l’inscription automatique sur les listes électorales ou pour la prise en compte des doléances des habitants des quartiers populaires, d’où il est originaire, il continue de payer les amendes des femmes verbalisées pour port du niqab.

« Je n’ai aucune affinité avec elles, mais je ne supporte pas qu’on utilise la peur de l’islam à des fins électoralistes », dit celui qui veut faire transformer en juin Evry, la ville de Manuel Valls, en « capitale du niqab » en y placardant des affiches.