La page Facebook de Donald Trump. | Facebook

Le site américain Gizmodo a publié un article accusant Facebook de « censurer » les sites conservateurs, et notamment les sites proches de Donald Trump. L’article a soulevé de nombreuses questions sur le fonctionnement des trending topics (fenêtre de sujets tendances) du réseau social.

  • Que dit l’article de Gizmodo ?

Publié lundi 9 mai, sous le titre « Nous supprimions régulièrement des infos de droite, disent d’anciens salariés de Facebook », cet article est la deuxième partie d’une enquête menée par le site américain sur la fonctionnalité trending topics de Facebook. Cette fenêtre, disponible uniquement aux Etats-Unis, affiche une liste de sujets d’actualités très consultés sur Facebook directement dans le newsfeed, la page d’accueil de l’utilisateur de Facebook sur ordinateur.

Les « trending topics » de Facebook. | Facebook

Les articles de Gizmodo s’appuient sur plusieurs témoignages anonymes d’anciens sous-traitants ayant travaillé comme curateurs pour Facebook : un travail consistant à rédiger les brèves descriptions pour chaque élément de cette liste, et de les ordonner.

Ces témoins expliquent que contrairement aux affirmations de Facebook, le fil trending n’affiche pas de manière fidèle les sujets les plus lus sur le réseau social. Des sujets y sont parfois artificiellement ajoutés (dont l’attentat contre Charlie Hebdo), et certains liens peuvent être arbitrairement retirés.

Dans l’article publié le 9 mai, deux témoignages accusent certains responsables d’équipe d’avoir régulièrement censuré des sujets d’actualité concernant le Parti républicain, d’avoir interdit de donner des liens vers certains sites très conservateurs, et d’avoir supprimé des sujets liés à Facebook lui-même.

  • Que dit Facebook ?

Le responsable de l’équipe en charge des trending topics, Tom Stocky, a publié une réponse détaillée à l’article de Gizmodo.

« Nous prenons ces accusations de parti pris de manière très sérieuse et nous n’avons trouvé aucune preuve de la véracité de ces allégations anonymes, écrit-il. Nos équipes suivent des règles rigoureuses pour s’assurer qu’ils travaillent de manière neutre et fiable. Ces règles interdisent toute censure sur la base d’opinions politiques. Elles n’autorisent pas non plus le fait de mettre en avant un point de vue davantage qu’un autre. Ces règles n’interdisent pas non plus à des sites d’information spécifiques d’apparaître dans les trending topics. »« Les sujets populaires sont d’abord triés par un algorithme, puis examinés par une équipe pour confirmer qu’il s’agit bien d’informations réelles. (…) Nous demandons à nos équipes de ne pas publier d’informations fausses, de doublons, de faux ou de sujets sans sources crédibles. (…) Facebook interdit à nos employés de discriminer des sources, quelle que soit leur idéologie politique, et nous avons conçu nos outils de manière à rendre cela impossible. Les actions de nos employés sont enregistrées et examinées a posteriori, et le non-respect de ces règles peut conduire à un licenciement. »

Citant un exemple évoqué par Gizmodo, M. Stocky explique avoir vérifié si, comme l’affirmait l’article, le mot-clé #‎BlackLivesMatter‬ avait été ajouté artificiellement à la liste des trending topics au moment des émeutes de Ferguson. Il affirme que l’enquête interne montre que ce n’est pas le cas.

  • Quelles sont les limites de l’article de Gizmodo ?

Derrière son titre très affirmatif, l’article de Gizmodo reconnaît lui-même certaines limites à ce qu’il avance : le fait, par exemple, que son auteur n’ait pas été en mesure de confirmer si des « biais similaires ne s’appliquaient pas à des sites démocrates ». Par ailleurs, certains des sites conservateurs évoqués dans l’article, dont Breitbart, ne sont pas des modèles de fiabilité – des articles de ces sites ont donc pu se voir interdire l’entrée dans les trending topics non pas en raison des opinions qui y étaient développées, mais pour des sources insuffisantes ou des informations jugées trop peu crédibles.

Enfin, le premier article publié par Gizmodo sur ce sujet, et qui décrit des conditions de travail peu enviables, expliquait que si les sous-traitants travaillant sur les trending topics ont le pouvoir de bannir un sujet de la liste, « les personnes interrogées disent n’avoir constaté aucun abus ».

  • Quelles ont été les réactions des conservateurs américains ?

Elles ont été violentes. L’édition du 10 mai du quotidien conservateur New York Post titre sa « une » sur l’affaire, affirmant : « Vous ne lirez pas ça sur Facebook – le site censure l’info. »

D’autres sites de droite, et notamment l’ultraconservateur Breitbart, ont aussi crié à la censure. Plus généralement, les médias proches de Donald Trump y voient une tentative de déstabiliser leur candidat. Ils s’appuient notamment sur plusieurs déclarations de Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, qui s’est souvent montré critique face à la politique anti-immigration de Donald Trump. Cependant, Facebook fait aussi partie des sponsors de la convention républicaine – comme l’entreprise sponsorise également la convention démocrate.

Facebook tiendra aussi un stand à la convention républicaine – où l’accueil pourrait être houleux pour le réseau social. L’entreprise ne sera cependant pas la seule représentante de la Silicon Valley : Google, qui diffusera les deux conventions sur YouTube cet été, sera également présente.