La sculpture "Him", représentant Hitler taille enfant en train de prier, a été vendue le 8 mai 2016 par Christie’s, à New York, pour près de 15 millions d’euros. | CHRISTIE'S/MARIAN GOODMAN GALLERY/COPYRIGHT MAURIZIO CATTELAN VIA AP

Il avait pris sa retraite en 2011, à l’âge de 51 ans. L’artiste italien Maurizio Cattelan est revenu sur le devant de la scène, dimanche 8 mai, grâce à la vente aux enchères record, chez Christie’s à New York, d’une de ses œuvres les plus marquantes : Him, une sculpture en cire de 2001 représentant Hitler, revendue plus de 17 millions de dollars (près de 15 millions d’euros). Une vente qui dépasse l’estimation (de 10 à 15 millions de dollars) et qui double presque son précédent record (près de 8 millions en 2010).

L’artiste, originaire de Padoue et issu d’un milieu très populaire, était devenu dans les années 2000 un phénomène du marché de l’art international. Retour sur cinq de ses œuvres choc, toutes aussi provocatrices que troublantes.

  • « La Nona Ora » (la neuvième heure)

Le pape Jean Paul II tué par une météorite : la vision de cette œuvre n’avait laissé personne indifférent lors de sa création en 1999. Il faut dire que le rendu réaliste (la figure de l’homme d’Eglise, en cire, est grandeur nature) tranche avec l’absurde de la situation : le pape terrassé, en costume de cérémonie et étendu sur une moquette rouge, brandit toujours sa croix vers le ciel... ciel d’où est tombé cette roche restée posée sur lui. Une science-fiction qui laissait entrevoir son goût prononcé pour le macabre et l’humour noir.

  • « Him » (lui)

Cette sculpture joue sur un effet de surprise : le spectateur découvre une personne de dos, agenouillée et en plein recueillement, et ce n’est qu’en en faisant le tour qu’il reconnaît Hitler. Le jeu d’échelle renforce le décalage, puisque le Führer a la taille d’un enfant. Montrée à Rotterdam en 2002, puis à Munich en 2003, l’œuvre avait fait scandale lors d’une exposition dans l’ancien guetto de Varsovie en 2012. Le Simon Wiesenthal Center avait ainsi condamné sa présence, considérée comme « une provocation insensée qui insulte la mémoire des victimes juives des Nazis ».

  • « Untitled » (enfants pendus)

Trois jeunes garçons pendus, la corde au cou, les pieds nus, à un arbre séculaire du centre de Milan. Cette œuvre installée en 2004 dans l’espace public ne pouvait que choquer, elle a aussi blessé : un riverain ne supportant plus cette « torture esthétique » avait entrepris de décrocher les mannequins lorsqu’il a chuté de plusieurs mètres. L’artiste s’était déclaré « désolé » dans un entretien au Corriere della Sera, expliquant que cette œuvre était selon lui « un moyen de susciter la réflexion et la discussion ». « Chacun peut y voir ce qu’il veut. Chacun a la liberté de se détourner s’il ne veut pas voir l’art ou la réalité », avait-t-il souligné. L’affaire avait fait grand bruit, et les autorités avaient définitivement évacué ses pendus, commandés et financés par la Fondation Nicola Trussardi, « par sécurité ».

Quelques années plus tard, en 2010, l’artiste avait à nouveau sévi dans l’espace public milanais avec une sculpture en marbre représentant une main géante dont tous les doigts étaient coupés sauf le majeur. Un doigt d’honneur de 11 mètres de haut installé à l’occasion d’une exposition personnelle dans la ville devant le Palais de la bourse, et intitulé « L.O.V.E. ».

  • Ses galeristes épinglés

Si Maurizio Cattelan a ouvert une galerie à New York, la Wrong Gallery, toujours fermée et où rien ne se vend, ou encore créé une fondation permettant à un artiste de vivre pendant un an à la condition de ne rien exposer (Fondation Oblomov), il s’en est aussi pris au monde de l’art à travers ses premiers complices en la matière : en 1995, il avait déguisé son galeriste parisien, Emmanuel Perrotin, en phallique lapin rose pendant un mois (Errotin le Vrai Lapin) ; quelques années plus tard, en 1999, il avait scotché à un mur son galeriste italien, Massimo De Carlo, lors d’un vernissage (A Perfect Day).

  • Son retour annoncé

En 2011, le Guggenheim Museum venait de lui consacrer une rétrospective lorsqu’il avait annoncé sa décision de se retirer du monde de l’art. Il semble aujourd’hui avoir envie de remettre le pied à l’étrier, pour prendre une image équestre en résonance avec ses multiples installations mettant en scène des chevaux empaillés. Le New York Times a récemment dédié un article à ce retour annoncé, qui doit se matérialiser par une nouvelle sculpture attendue là même où il s’était arrêté : au Guggenheim... Il a cependant choisi d’y revenir du côté des toilettes. Dans sa cabine-installation trônera une cuvette en or 18 carats, utilisable par les visiteurs. On pense évidemment à l’urinoir « Fontaine » de Duchamp, mais également au nom de la revue qu’il a fondée en 2010, Toilet Paper, dédiée aux images véhiculées par la mode, la publicité et le cinéma. La sculpture, intitulée « Maurizio Cattelan : ‘America’ », dont le coût reste confidentiel, a été financée par des fonds privés et devrait rester dans le musée, où elle fera l’objet d’une garde spécifique pour gérer la queue et éviter les vols, détaille le journal. Pour la suite, l’artiste a d’ores et déjà annoncé qu’il avait une autre œuvre en tête.