Le premier ministre israëlien, Benyamin Netanyahou (à droite) et le ministre des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, se sont rencontrés à Jerusalem, dimanche 15 mai. Menahem Kahana / AP | Menahem Kahana / AP

Le torchon brûle entre la France et Israël. En cause ? La signature par la France, le 14 avril, d’une résolution de l’Unesco intitulée « Palestine occupée », critique à l’égard d’Israël. Une polémique qui intervient alors que la France tente de relancer le processus de paix israélo-palestinien.

  • Qu’est ce que cette résolution ?

Il s’agit d’une résolution sur la « Palestine occupée », votée par le conseil exécutif de l’Unesco le 14 avril. Ce texte, présenté à l’initiative de l’Algérie, de l’Egypte, du Liban, du Maroc, d’Oman, du Qatar et du Soudan, a été adopté par 33 voix pour – dont celles de la France, de la Russie, de l’Espagne, de la Suède ou de l’Iran – tandis que six pays (dont les Etats-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni) ont voté contre.

La résolution, qui comporte quarante points, est très critique envers Israël, qualifié à plusieurs reprises de « puissance occupante ». Elle déplore en particulier de nombreuses violations du « statu quo » en vigueur depuis 1967, selon lequel seuls les musulmans ont le droit de prier sur l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam et qu’Israël appelle le mont du Temple.

Dans le viseur notamment, un paragraphe faisant mention des « fausses tombes juives » dans des cimetières musulmans de Jérusalem-Est et un autre qui « dénonce vivement les agressions constantes commises par les Israéliens contre les civils », y compris des imams et des prêtres chrétiens.

  • Quelles ont été les réactions ?

L’adoption de cette résolution a suscité la colère d’Israël. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a condamné un texte « absurde ». Il s’est indigné que le texte ne fasse jamais référence à l’esplanade des Mosquées comme le « mont du Temple », appellation sous laquelle les juifs révèrent le lieu, ou ne cite le « mur des Lamentations » qu’entre guillemets. Israël s’est aussi ému de trouver dans la liste des signataires de la résolution des pays « amis » comme la France, l’Espagne, la Suède, la Russie et la Slovénie.

« Cette décision est une négation délibérée de l’histoire ; elle ignore le lien historique du judaïsme avec Jérusalem, capitale spirituelle du peuple juif vers laquelle tous les Juifs dans le monde ont prié depuis des milliers d’années », a résumé Roger Cukierman, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) dans un communiqué. Il a invoqué une nouvelle manifestation de « la mauvaise foi et de la haine d’Israël ».

De leur côté, les « chasseurs de nazis » français Serge et Beate Klarsfeld – ambassadeurs de l’Unesco pour l’enseignement de l’histoire de l’Holocauste – ont également « condamné » la décision de l’Unesco et « regretté » que la France l’ait votée.

  • Quelle a été la réponse de la France ?

François Hollande a tenté de calmer le jeu mardi 10 mai, avec un peu de retard. Dans un courrier adressé au CRIF, le chef de l’Etat a assuré que « rien dans le vote de la France ne [devait] être interprété comme une remise en cause de la présence et de l’histoire juives à Jérusalem ». Il a assuré que la position de la France sur la question de Jérusalem ne variait pas : « C’est la défense de la liberté d’accès et de culte à Jérusalem, ville fondamentale pour les trois grandes religions monothéistes ». Mardi 17 mai, il a de nouveau regretté une résolution « fâcheuse ».

De son côté, Manuel Valls a regretté, mercredi 11 mai, le choix fait par le représentant français à l’Unesco : « Il y a dans cette résolution de l’Unesco des formulations malheureuses, maladroites, qui heurtent et qui auraient dû être incontestablement évitées, comme ce vote ».

« Faisons attention aux résolutions mal rédigées », avait lancé le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, lundi 16 mai lors d’une conférence des Amis du CRIF à Paris. « Si je vous dis que cette résolution est mal rédigée, c’est que je pense qu’il ne fallait pas la voter », a-t-il précisé à l’assistance.

Des tentatives d’apaisement qui n’ont pas convaincu le président du CRIF, qui a regretté l’absence de « reconnaissance du caractère négationniste de la résolution votée par la France, seule grande puissance occidentale à avoir approuvé ce texte ».

  • Pourquoi c’est problématique ?

Cette polémique intervient alors que la France tente de relancer le processus de paix israélo-palestinien, actuellement au point mort. Jean-Marc Ayrault s’est rendu dimanche à Jérusalem et à Ramallah pour présenter au premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, et au président palestinien, Mahmoud Abbas, les contours d’une conférence internationale sur le sujet.

Mais la visite a été polluée par le vote à l’Unesco. M. Nétanyahou a mis en doute l’« impartialité » de l’initiative de Paris pour relancer l’effort de paix avec les Palestiniens. En réaction, M. Ayrault a affiché ses doutes quant à la sincérité de M. Nétanyahou lorsqu’il se dit prêt à rencontrer M. Abbas à tout moment. « Je connais ses positions, a expliqué le chef de la diplomatie française. Il a une option qui est les négociations directes [avec les Palestiniens]. Je constate qu’elle est bloquée. »

La réunion, qui doit rassembler les membres du Quartet (Etats-Unis, Organisation des Nations unies, Union européenne, Russie), les principaux membres de la Ligue arabe et plusieurs autres Etats, a finalement été repoussée. Le Quai d’Orsay a fait savoir, mardi 17 mai, que la conférence internationale prévue le 30 mai à Paris « aura bien lieu à une date rapprochée. Une nouvelle date, début juin, devrait être prochainement fixée ». Plus tôt dans la journée, François Hollande avait annoncé que cette conférence était reportée à l’été. Le président a également assuré qu’il serait extrêmement vigilant et qu’il regarderait personnellement la nouvelle résolution de l’Unesco au mois d’octobre. « Il n’est pas possible que les lieux saints puissent être mis en cause ou en doute quant à l’appartenance aux trois religions », a-t-il martelé.