Simone Gbagbo, 66 ans, devait se présenter le 9 mai pour son audience solennelle devant la cour d’assises d’Abidjan pour « crimes contre l’humanité », point de départ d’un procès qui devrait durer deux mois.

  • Ce qui lui est reproché

L’épouse de l’ex-président ivoirien est soupçonnée par les juges d’avoir eu un rôle central dans la crise postélectorale de 2010-2011, quand son mari, Laurent Gbagbo, avait refusé de reconnaître la victoire de l’actuel président Alassane Ouattara à l’élection de novembre 2010.

La crise avait conduit à de violents affrontements entre les deux camps et à la mort de plus de 3 000 personnes. La « Dame de fer », comme l’appellent les Ivoiriens, est soupçonnée d’avoir ainsi participé à des réunions ayant mené à des meurtres, des viols et des actes de persécution commis sur le territoire national.

Considérée comme un pilier inébranlable du régime de son mari, sur lequel elle exerçait une forte influence. Elle a notamment cofondé le Front populaire ivoirien (FPI, aujourd’hui dans l’opposition) avec lui.

  • Pourquoi n’est-elle pas jugée à La Haye ?

Comme Laurent Gbagbo, dont le procès a démarré le 28 janvier 2016 à La Haye, Simone Gbagbo est poursuivie pour crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI), qui a lancé un mandat d’arrêt international à son encontre en février 2012. Mais Abidjan a toujours refusé son transfèrement, affirmant être en mesure d’assurer un procès exemplaire à l’ex-première dame sur le sol ivoirien. « Les infractions pour lesquelles elle est poursuivie à Abidjan sont les mêmes que celles de la CPI. Or le principe de la CPI est ceci : ou vous jugez la personne chez vous, ou vous nous la remettez », avait expliqué un magistrat ivoirien.

Alassane Ouattara, le président de la Côte d’Ivoire réélu en octobre 2015 pour un second mandat, a affirmé début février qu’il « n’enverrait plus d’Ivoiriens » à la CPI, estimant que son pays avait désormais une « justice opérationnelle ».

  • Que risque-t-elle ?

Selon une modification par les députés du Code pénal ivoirien datant du 9 mars 2015, les crimes contre l’humanité sont passibles de « l’emprisonnement à vie » en Côte d’Ivoire.

  • Quelle est sa ligne de défense ?

Souvent accusée d’être liée aux « escadrons de la mort » contre les partisans d’Alassane Ouattara, Simone Gbagbo a toujours plaidé l’innocence. Le principal argument des soutiens de l’ex-première dame est de dénoncer la « justice des vainqueurs ». En effet, aucun responsable pro-Ouattara n’a été inquiété à ce jour, alors que, selon l’ONU, les deux camps ont commis des exactions pendant la crise de 2010-2011.

Par ailleurs, Simone Gbagbo s’était pourvue en cassation après que la chambre d’accusation l’avait renvoyée devant les assises pour « crimes contre l’humanité », le 27 janvier. Après le rejet de ce pourvoi le 21 avril, par la Cour de cassation, l’un de ses avocats, Rodrigue Dadjé avait dénoncé « une décision politique ».

Autant d’arguments qui devraient être mis en avant lors des audiences, qui ne sont pas prévues dans l’immédiat : « Les débats la concernant vont être programmés beaucoup plus tard, probablement vers la fin du mois de mai [2016] », a déclaré une source judiciaire à l’AFP.

  • Pourquoi a-t-elle déjà été condamnée ?

Le 10 mars 2015, après deux mois d’un premier procès-fleuve où elle comparaissait avec 78 co-accusés, Simone Gbagbo est condamnée à vingt ans de prison et dix ans de privation de ses droits civiques pour « attentat à l’autorité de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l’ordre public », là aussi pour son rôle durant la crise postélectorale de 2010-2011.

La lourdeur de la condamnation, deux fois supérieure aux réquisitions de l’avocat général, avait entraîné de nombreuses critiques. La défense de l’ex-première dame avait accusé la justice ivoirienne de ne pas être impartiale, et l’ONG Human Rights watch avait dénoncé un procès « inéquitable ».

L’intéressée avait déclaré : « J’ai subi humiliation sur humiliation durant ce procès. Mais je suis prête à pardonner. Car si on ne pardonne pas, ce pays connaîtra une crise pire que ce que nous avons vécu. » L’ex-première dame espérait une libération conditionnelle après avoir passé quatre ans en résidence surveillée à Odienné (nord-ouest du pays).

Elle y avait été placée après que les combattants pro-Ouattara – aidés par les militaires français de la force « Licorne » et de l’ONUCI – avaient conquis le palais présidentiel et arrêté le couple Gbagbo. L’ex-première dame est aujourd’hui incarcérée à l’Ecole de gendarmerie d’Abidjan.

  • Quelle différence entre ces deux procès ?

La condamnation de Simone Gbagbo en 2015 ne portait que sur des crimes d’Etat. Avec ce nouveau procès, ce sont les crimes contre des personnes qui sont abordés. Et la peine encourue est autrement plus lourde.

  • Où en est son mari ?

Le procès de Laurent Gbagbo et de son ancien ministre de la jeunesse et chef des jeunes patriotes Charles Blé Goudé doit reprendre le 9 mai à la CPI, à La Haye. Ils sont accusés « de quatre charges de crimes contre l’humanité que constituent le meurtre, le viol, les autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – la tentative de meurtre, et la persécution perpétrés dans le contexte des violences post-électorales en Côte d’Ivoire ».

La responsabilité de l’ancien président est mise en avant pour 166 meurtres et 34 viols. La procédure, débutée le 28 janvier, accuse d’importantes lenteurs administratives caractéristiques de la CPI, ajoutées à la difficulté d’auditionner les premiers témoins (ils sont 138 en tout, mais tous ne seront pas appelés en audience). Le procès est prévu pour durer de deux à trois ans au moins.