Le pape François au Vatican le 4 mai. | ANDREW MEDICHINI / AP

Le symbole est fort : l’Europe, divisée, malade, aux abois, espère trouver auprès du pape François un peu de soutien moral. Les présidents des trois principales institutions de l’Union, Jean-Claude Juncker pour la commission, Donald Tusk pour le Conseil et Martin Schulz, pour le Parlement européen, se rendent à Rome, vendredi 6 mai, pour lui remettre le prix Charlemagne.

Ce prix a été créé en 1948 en Allemagne, pour distinguer des personnes « ayant œuvré pour l’unification européenne ». MM. Schulz, Juncker et Tusk l’ont tous trois déjà reçu. Il est d’ordinaire remis dans la ville d’Aix-la-Chapelle, mais le pape a demandé à le recevoir au Vatican. La cérémonie aura lieu à midi, dans la Sala Regia du Vatican, et sera ponctuée par les discours des trois présidents européens, et clôturée par celui du pape.

Parmi les invités, sont attendus la chancelière allemande, Angela Merkel, Matteo Renzi, le premier ministre italien, le roi Felipe d’Espagne, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne. La France sera représentée par la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem. M. Schulz, principal artisan du choix du pape pour le prix, devait s’exprimer sur les « valeurs » européennes, M. Juncker sur « l’Europe » et M. Tusk, ex-premier ministre Polonais, sur « la chrétienté ».

Alors que l’Europe traverse une crise existentielle, les dirigeants européens espèrent trouver auprès du pape un peu de soutien à leur tentative de maintenir ensemble des pays de plus en plus divisés. En cause, la crise migratoire qui a profondément creusé le fossé entre Etats membres ; certains, à l’Est et au centre (en Hongrie, Autriche, Pologne, Slovaquie…), refusant de « prendre leur part ». Plane aussi la menace terroriste, qui a durci la réaction des populations à l’égard des migrants. Et la montée, de plus en plus préoccupante, des populistes anti-Européens, désormais présents sur l’ensemble du continent.

« Stopper les populistes »

Donald Tusk a eu des mots très forts, jeudi soir, lors d’une table ronde avec M. Juncker et Schuzl organisée au Musée du Capitole. « Aujourd’hui, nous devons admettre que le rêve d’un Etat européen avec un seul intérêt commun, une seule vision, une seule nation européenne était une illusion », a t-il déclaré. L’urgence, a t-il estimé, c’est « de convaincre nos citoyens que nous pouvons leur apporter sécurité et stabilité, en réintroduisant un contrôle effectif de nos frontières. (…) C’est la seule stratégie pour stopper la marche vers le pouvoir des populistes ».

Le pape dénoncera t-il l’égoïsme de certains pays membres ? L’incapacité de l’Europe à s’entendre ? L’accord controversé de « sous-traitance » des réfugiés à la Turquie ? Les murs érigés sur le continent pour stopper l’arrivée des migrants ? Une chose est sûre : les questions migratoires sont parmi ses grands sujets de préoccupation.

François n’avait pas mâché ses mots, devant le Parlement européen, en novembre 2014, estimant que l’Union européenne donnait « une impression générale de fatigue et de vieillissement », l’image d’une « Europe grand-mère et non plus féconde et vivante » et lui rappelant à de nombreuses reprises ses « valeurs humanistes ».

Lors de son déplacement à Lesbos, en avril, François a voulu braquer les projecteurs sur la « crise humanitaire » en cours dans cette île grecque dont le camp de transit est devenu ces dernières semaines un camp de rétention pour les réfugiés et les migrants. Il était reparti avec trois familles syriennes, douze personnes accueillies au Vatican. Un symbole, mais aussi un moyen de redonner espoir à des milliers d’individus fuyant la misère ou la guerre et que l’Europe, désormais, repousse.