Donald Trump arrivant pour une réunion électorale à Omaha le 6 mai 2016. | Charlie Neibergall / AP

Bill Galston est un homme excessivement sérieux. Dans son bureau de la Brookings, à Washington, les piles serrées de rapports et les montagnes de livres témoignent d’une pratique de la compréhension de la politique qui relève de l’artisanat d’art ou de la mécanique de précision. C’est dire combien le politologue est, comme bien d’autres, déstabilisé par le programme ondoyant du futur candidat républicain à l’élection présidentielle, Donald Trump.

Prenons une semaine ordinaire comme celle qui vient de s’écouler. M. Trump l’a débutée le 8 mai en déplorant le bas niveau d’un salaire minimum horaire auquel il refusait de toucher en novembre. « Je me demande comment font les gens pour y arriver avec 7,25 dollars [taux horaire fédéral] », explique-t-il sur NBC. « Je n’ai pas décidé d’un montant, mais je crois que les gens devraient avoir plus », ajoute-t-il ultérieurement sur ABC. Le milliardaire est donc favorable à une augmentation. Pas forcément, puisqu’il estime quelques jours plus tard sur Fox News, que « la question devra revenir aux Etats ».

Il se dit aussi « imprévisible »

Toujours le 8 mai, M. Trump évoque une hausse de l’imposition pour les plus riches. Dès le lendemain, il la relativise en évoquant une augmentation qui s’inscrira dans une réforme générale de réduction des impôts. Que les plus aisés soient donc rassurés : ils paieront plus… tout en payant moins au final. Le 11 mai, le magnat de l’immobilier s’attaque à l’interdiction d’accès au territoire américain pour les musulmans qu’il souhaite voir mise en place. L’électorat républicain y est très favorable même si elle paraît impossible à mettre en pratique et M. Trump l’a défendue à de multiples reprises, au nom de la sécurité nationale. « Ce n’est qu’une supposition », assure-t-il toutefois sur Fox News. De toute façon, « cette mesure comprendrait des exceptions », ajoute-t-il, interrogé à propos du nouveau maire de Londres, Sadiq Khan.

Le 12 mai, il passe aux restrictions visant l’accès des toilettes pour les transgenres, la nouvelle bataille des valeurs en cours aux Etats-Unis. Le 21 avril, le milliardaire a critiqué la Caroline du Nord pour avoir adopté une loi interdisant aux transsexuels d’utiliser les sanitaires correspondant au sexe auquel ils s’identifient. Un peu plus de deux semaines plus tard, M. Trump assure ne pas avoir vraiment d’avis sur le sujet et estime que les Etats doivent être souverains en la matière.

La question de la publication de ses déclarations d’impôts n’échappe pas à cet incertain permanent. Alors que ce geste traditionnel pour tous les candidats à la présidentielle semble manifestement lui coûter, il assure sur AP le 10 mai que la publication est proche. « Vous n’allez pas apprendre grand-chose », assure-t-il cependant à ses interlocuteurs. Ils vont en apprendre d’autant moins que le même homme assure le surlendemain au journaliste qui l’interroge sur son taux d’imposition que « ce n’est pas [ses] affaires ».

On imagine le désarroi de Paul Ryan, « speaker » (président) républicain de la Chambre des représentants, face à un tel tourbillon. Responsable anguleux, Paul Ryan croit à la politique au carré, aux programmes présentables sur écran, avec titres, sous-titres et alinéas, alors que Donald Trump croit considérablement, immodérément, définitivement en lui-même. Les deux hommes se sont croisés mercredi à Washington pour entretenir la flamme de l’unification du Parti républicain dans la perspective de la bataille grandiose à venir.

Le lendemain, M. Trump a assuré sur Fox News être « totalement flexible sur beaucoup, beaucoup de sujets ». Si on ajoute le fait que le même homme revendique pouvoir être « imprévisible », on visualise la sueur froide perlant aux tempes du « speaker ».