Domenico Scala, à Zurich, en février. | RUBEN SPRICH / REUTERS

Il était l’homme qui incarnait le vent de réformes qui soufflait, depuis peu, sur la Fédération internationale de football (FIFA), minée par les scandales de corruption. Patron du comité d’audit et de conformité de l’instance depuis 2013, le Suisso-italien Domenico Scala a annoncé avec fracas, samedi 14 mai, sa démission. Le départ du dirigeant, notamment chargé du contrôle d’intégrité des candidats aux élections, intervient au lendemain du 66e congrès de l’instance, organisé à Mexico. La première « messe » de l’institution orchestrée par son nouveau président, l’Helvète Gianni Infantino, qui a succédé le 26 février à son compatriote Sepp Blatter.

Pour justifier sa démission, Domenico Scala renvoie à la décision prise par le congrès, à Mexico, de déléguer au « conseil » (gouvernement) de la FIFA, présidé par Infantino, le pouvoir de nommer et destituer, jusqu’en 2017, les membres des commissions indépendantes de supervision, comme le comité des recours, le comité d’audit et de conformité et le fameux comité d’éthique. Ce « tribunal interne » s’est notamment distingué en bannissant pour six ans Sepp Blatter et le dirigeant de l’UEFA Michel Platini, dont la sanction a été allégée de deux ans, le 9 mai, par le Tribunal international du sport.

Consternation

Domenico Scala, 50 ans, s’est dit « consterné par cette décision car elle ébranle un pilier central de la bonne gouvernance de la FIFA et détruit l’un des acquis essentiels de la réforme ». « Elle permettra dorénavant au conseil d’entraver les enquêtes contre un membre à tout moment, en destituant le responsable des membres du comité ou en s’assurant de leur approbation à travers la menace de les renvoyer. Ainsi, ces comités sont privés de leur indépendance et pourraient devenir des auxiliaires de ceux qu’ils sont censés superviser », assène le dirigeant démissionnaire dans un communiqué. Respectivement présidents des chambres de jugement et d’instruction du comité d’éthique, l’Allemand Hans-Joachim Eckert et le Suisse Cornel Borbely n’ont pas réagi après la décision du congrès de la FIFA.

Dans un communiqué, la FIFA « accepte la démission de Domenico Scala » mais « regrette qu’il ait mal interprété le but de la décision du congrès »

L’amendement adopté le 13 mai par le congrès n’était pas prévu dans le package de réformes (limite de mandats du président, transparence concernant les salaires, refonte du comité exécutif rebaptisé conseil) approuvées en février. Chargé de veiller à ce que la FIFA respecte ses propres règles, Domenico Scala était devenu l’homme fort de l’organisation, le 2 juin 2015, lors de l’annonce de l’abdication de Sepp Blatter. Il avait inspiré la batterie de réformes institutionnelles censées restaurer le crédit de l’institution.

« Je me suis fait des ennemis », avait clamé, à Mexico, le dirigeant démissionnaire. Son règne coïncide avec une litanie de suspensions prononcées à l’encontre de plusieurs hauts dirigeants de la FIFA, dont son secrétaire général français Jérôme Valcke, radié douze ans. En octobre 2015, il avait accusé Sepp Blatter et Michel Platini de « conflit d’intérêts » et de « falsification des comptes » dans l’affaire du fameux versement de deux millions de francs suisses (1,8 million d’euros) fait, en février 2011, par le patron de la FIFA à son homologue de l’UEFA.

Gianni Infantino, à Mexico, le 13 mai. | Rebecca Blackwell / AP

« Purge »

Dans un communiqué, la FIFA « accepte la démission de Domenico Scala » mais « regrette qu’il ait mal interprété le but de la décision du congrès ». De facto, le départ fracassant du dirigeant met un terme à l’état de grâce de Gianni Infantino, ex-secrétaire général de l’UEFA et ancien bras droit de Michel Platini (2009-2016). « La crise est terminée », avait déclaré, à Mexico, le patron du foot mondial, cité en avril dans les Panama Papers. Selon les informations du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, le Suisse a signé en 2006 et 2007 des contrats commerciaux, au nom de l’Union des associations européennes de football (UEFA), avec une entreprise offshore détenue par des hommes d’affaires, actuellement mis en examen par la justice américaine dans le cadre de l’enquête sur le scandale de la FIFA.

A Mexico, l’Helvète s’était distingué en nommant pour la première fois une femme au secrétariat général de la FIFA. Diplomate aux Nations unies depuis 1995, la Sénégalaise Fatma Samoura, 54 ans, est devenue numéro 2 de l’institution, remplaçant l’intérimaire allemand Markus Kattner.

En privé, Gianni Infantino ne masquait guère son agacement devant l’emprise grandissante de « l’administration de la FIFA », en vertu des nouveaux statuts de la Fédération, qui compte 211 associations nationales membres. La démission de Scala est considérée, par plusieurs observateurs, comme le début « d’une purge » initiée par le nouveau président. « C’est Infantino qui avait empêché la constitution d’une commission d’éthique à l’UEFA, rappelle un fin connaisseur des instances internationales du football. La guerre en cours à la FIFA, il l’a déjà gagnée ! »