Le Munichois Franz Roth en train de tacler le Stéphanois Jean-Michel Larqué, le 12 mai 1976, à Glasgow, en finale de la Coupe des clubs champions. | STF / AFP

12 mai 1976, Glasgow. Les poteaux carrés de l’Hampden Park écœurent les joueurs de Saint-Etienne et toute la France avec. Par deux fois, les Verts, en quête d’un premier titre en Coupe d’Europe, frappent la transversale de Sepp Maier, le gardien du Bayern Munich.

Déjà double tenant du titre, le club bavarois saisit l’occasion en seconde période : Franz Roth, milieu de terrain défensif, inscrit l’unique but du match. Quarante ans après, l’épisode des poteaux carrés hante toujours le football français. Pas vraiment l’Allemagne à en croire le « Taureau » du Bayern.

Qui vous parle le plus de cette finale contre Saint-Etienne, les journalistes français ou allemands ?

Franz Roth. Il n’y a que les Français qui m’en parlent ! Les Allemands, pas du tout. Apparemment, ce n’est pas un sujet intéressant pour nous, en Allemagne. Ça fait quand même déjà quarante ans déjà, non ? Entre-temps, le Bayern a gagné d’autres trophées…

Quels souvenirs gardez-vous malgré tout de ce match ?
J’en garde un très bon souvenir, tout simplement parce que nous avons gagné. Le match était à couteaux tirés, et nous avions eu de la chance. Après le match, j’ai échangé mon maillot avec Jean-Michel Larqué, qui était mon adversaire direct. On s’était livré un beau duel. Il était technique, endurant… Aujourd’hui, son maillot est au Musée du Bayern, à l’intérieur de l’Allianz Arena. Tous les trophées du club y sont aussi exposés. Mais, en revanche, j’ai gardé chez moi la médaille de la finale.

Malgré votre statut de favori, quelle était l’image des Stéphanois à l’époque ?

Ils avaient une très bonne réputation. De toute façon, à l’époque il n’y avait en Coupe des clubs champions que les clubs qui avaient remporté le championnat dans leur pays. Pas le deuxième, le troisième, voire le quatrième du classement, comme on le voit maintenant en Ligue des champions. Donc le niveau général était très bon.

Et dans les tribunes, quel club avait l’ascendant ?

A Hampden Park, il y avait beaucoup plus de vert que de rouge, Saint-Etienne était beaucoup plus représenté que nous. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je me dis que pour nos supporteurs, ça commençait peut-être à devenir ennuyeux : c’était notre troisième victoire en finale d’affilée dans la compétition.

Nous, ça ne nous dérangeait pas de jouer devant plus de supporteurs adverses. On avait déjà notre routine, on était habitué à ces ambiances pour les matchs à l’extérieur. Et puis, c’était plus calme, plus pacifique à Glasgow qu’à Paris lors de la finale précédente. En Ecosse, il n’y avait pas les hooligans de Leeds qui étaient au Parc des Princes… Contre Saint-Etienne, on a eu droit à un vrai bon match de foot.

En France, le souvenir des « poteaux carrés » fait directement allusion à cette finale. Existe-t-il aussi en Allemagne ?

Pas particulièrement. A la fin du match, dans l’équipe, aucun d’entre nous ne s’est demandé ce qu’il se serait passé si les poteaux avaient été ronds et pas carrés. Quand on gagne, ce genre de choses, ce sont des détails. Le plus important était pour nous que cette troisième victoire d’affilée en finale nous permettait de repartir avec le trophée en Allemagne et de le conserver.

Oui, si les poteaux avaient été ronds, Saint-Etienne aurait peut-être marqué un but. Mais ça ne résout pas la question. Est-ce que ça aurait suffi ? Peut-être qu’à ce moment-là nous aussi, nous aurions marqué un but de plus. Tout ça, on ne pourra jamais le vérifier. Même avec des poteaux ronds, il y a parfois des ballons qui sortent au lieu d’entrer dans les cages.

Dans « L’Equipe magazine » du 7 mai, Jean-Michel Larqué déclare que vous avez marqué l’unique but du match sans attendre que l’arbitre ait sifflé pour vous autoriser à tirer votre coup franc. Que répondre ?

Là, ça me fait bien rigoler. Peux-tu répéter pour que je sois bien sûr de ce que tu dis ? Tu dis que je n’ai pas attendu le coup de sifflet de l’arbitre pour tirer ? C’est n’importe quoi. Si je n’avais pas respecté la règle, j’aurais eu à le retirer. Ce but était régulier. J’en ai marqué plusieurs comme ça dans ma carrière, avec Franz (Beckenbauer) qui me décalait la balle pour que je frappe.

Comment avez-vous fêté ce titre face aux Verts ?

On n’a rien fait de spécial. Après le banquet, on s’est détendu, on a mangé un bon repas, et on a bu un ou deux verres de vin, peut-être trois. Personne n’était ivre au point de se faire raccompagner pour aller au lit. Ensuite, à notre retour, on a fêté la victoire sur le balcon de l’hôtel de ville. C’est obligatoire chez nous.

Lequel de vos sacres en Coupe d’Europe a été le plus important pour vous ?

Ce n’est peut-être pas les trois en Coupe des clubs champions, mais plutôt celui en Coupe des vainqueurs de coupe (compétition européenne de moindre importance), en 1967. C’était le premier titre européen du Bayern, celui qui a vraiment lancé le club, et ma carrière également. A l’époque, j’étais un jeune joueur. Et parce que j’avais là aussi marqué le but de la victoire, à Nuremberg, contre les Glasgow Rangers, le Bayern m’avait donné l’autorisation spéciale de garder le trophée dans ma chambre le soir du match. C’était exceptionnel, je n’ai pas réussi à fermer l’œil de la nuit !