« Les coûts directs du chômage représentent 6 % du produit intérieur brut, soit près de 120 milliards d’euros » (Photo: panneau Pôle emploi à Montpellier). | PASCAL GUYOT / AFP

Le chômage n’est pas une sinécure. C’est cette réalité souvent oubliée que rappelle le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis rendu le 10 mai. « Avec l’explosion du taux de chômage, on a de plus en plus tendance à coller aux chômeurs une image de paresseux ou de fraudeurs », regrette l’auteur de l’avis, Jacqueline Farache, membre de la section des affaires sociales et de la santé du CESE. « Mais on oublie totalement le traumatisme et les dommages considérables que causent les situations de chômage. »

Les chiffres pourtant parlent d’eux-mêmes. Les hommes sans emploi ont ainsi 2,32 fois plus de risques de se déclarer en mauvaise santé et 1,34 fois plus de fois plus de risques de devenir obèses que ceux qui ne le sont pas. Avec des conséquences parfois fatales. Ainsi, d’après une étude de l’Inserm publiée dans la revue d’épidémiologie International Archives of Occupational and Environmental Health, le chômage tuerait chaque année entre 10 000 et 14 000 personnes en France par maladies chroniques, hypertension ou rechutes de cancer.

Spirale infernale

La santé psychique peut également en pâtir. 24 % des hommes et 26 % des femmes au chômage signalent au moins un symptôme d’état dépressif ou d’anxiété. « Beaucoup de gens sombrent dans une immense détresse lorsqu’ils apprennent qu’ils sont licenciés ou restent longtemps éloignés de l’emploi », constate l’auteur de l’avis, Jacqueline Farache. Au point parfois de commettre l’irréparable. Ainsi, une augmentation de 10 % du taux de chômage se traduirait par une hausse du taux de suicide de 1,5 % tous sexes confondus.

Le traumatisme dépasse largement le seul individu concerné. Il touche le couple, les enfants et l’avenir de la cellule familiale en augmentant notamment le risque de séparation et d’isolement social.

Pour endiguer cette spirale infernale, le CESE préconise de mettre en œuvre une politique publique globale destinée à « faire prendre conscience à l’ensemble de la société de la gravité des effets de certains jugements et comportements valorisants ». Cela passerait entre autres par l’ajout de la précarité sociale à la liste des vingt critères de discrimination prohibés par la loi ou par l’organisation d’une campagne nationale de sensibilisation et d’information.

120 milliards d’euros

« En parallèle, il est indispensable de fournir aux personnes en situation de chômage un meilleur accompagnement », insiste Jacqueline Farache. « On pourrait, par exemple, leur proposer un bilan médical et un soutien psychologique dès leur premier entretien à Pôle emploi. » Ce n’est pourtant pas du tout la tendance vers laquelle on s’oriente. « Il a été décidé que les agences fermeraient tous les après-midi pour se consacrer à l’accueil des demandeurs d’emploi sur rendez-vous et que les opérations d’inscriptions suivraient toutes une procédure de dématérialisation », rappelle le texte. Le tout bien sûr pour faire des économies.

Un très mauvais calcul, selon Jacqueline Farache. Et de souligner que les coûts directs du chômage représentent 6 % du produit intérieur brut, soit près de 120 milliards d’euros. Ce qui ne tient pas compte de toutes les dépenses de santé liées au stress et à la peur de perdre de son emploi. « Si on continue à ne pas prendre soin de nos demandeurs d’emploi, c’est toute la société qui finira par en pâtir », conclut Jacqueline Farache.