Evacuation du lycée Jean-Jaurès à Paris le 4 avril | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Elles ont toutes signé ! La dizaine d’associations qui travaillent auprès des migrants à Paris signent ensemble lundi 9 mai une lettre au gouvernement demandant un plan d’urgence pour les réfugiés, avec réquisition de locaux d’Etat si nécessaire. Parmi elles, notamment, la Fondation Abbé Pierre, le Samu social de Paris ou encore l’Armée du salut ont apposé leur signature au document.

Les signataires essaient depuis des mois de construire une relation de confiance avec les migrants et les réfugiés qui campent dans les rues de Paris. Un travail mis à mal, selon eux, par l’expulsion violente du lycée Jean-Jaurès, mercredi 4 mai.

Ceci, ajouté à la réservation dans plusieurs centres de rétention administrative (CRA) de places où devaient être enfermés certains des 300 migrants évacués, a été la goutte d’eau. Même si les envois en CRA n’ont apparemment pas eu lieu, la confiance n’est pas au beau fixe entre l’Etat et les humanitaires. Les signataires le rappellent avant de demander un plan cohérent du gouvernement, à la hauteur du phénomène qui commence à se voir dans les rues de Paris.

Plan d’urgence

« L’évacuation du 4 mai marque la limite des mesures engagées par l’Etat pour accueillir les personnes fuyant leur pays, victimes de la guerre et de l’extrême pauvreté », insistent ces acteurs qui mercredi avaient refusé de participer à cette « opération qui, mal préparée ne présentait pas les conditions minimales de respect des droits fondamentaux et la dignité des personnes ». Ce dont le Monde, présent sur place aux côtés des délogés, a pu témoigner.

Le campement de réfugiés de la station Stalingrad, à Paris, le 2 mai. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Les dix signataires demandent « au gouvernement de réaffirmer ces principes et de respecter ses engagements humanitaires et internationaux à l’égard de tous les migrants présents sur le territoire, à Paris comme à Calais ». Le seul moyen à leurs yeux de sortir de l’impasse dans laquelle s’enferre le pouvoir – refusant de considérer les arrivées de migrants comme un flux constant et non comme un « stock » qu’il faudrait apurer de temps à autre – est à leurs yeux la mise en place d’un plan d’urgence.

Pour Florent Guégen, le président de la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), poids lourd du secteur avec ses 800 associations – « la mobilisation de plusieurs milliers de places nouvelles pour accueillir dignement les migrants et réfugiés, y compris via la réquisition, est une absolue nécessité ». Cette prise de position est encore plus forte lorsqu’on se souvient que le président de la Fnars n’est autre que Louis Gallois, ancien patron d’EADS, passé commissaire général à l’investissement (2012-2014) sur proposition du premier ministre Jean-Marc Ayrault…

L’Etat condamné 135 fois pour entrave au droit d’asile

Toutes ces associations, qui ne veulent pas de concurrence des pauvretés, dénoncent aussi les délais d’attente en préfecture dans toute l’Ile-de-France pour faire enregistrer les demandes d’asile, qui accroissent le séjour dans la rue des publics demandant la protection de la France. L’Etat vient d’ailleurs d’être condamné – en la personne du préfet de police, reconnu coupable 135 fois en l’espace de deux semaines d’entrave au droit d’asile –, sans qu’il ne mette pour autant les moyens appropriés pour respecter la loi.

La semaine dernière, la maire de Paris, Anne Hidalgo, avait relancé son idée de maison des migrants après l’évacuation de plus de mille personnes du camp de Stalingrad. La reconstitution récurrente de ce campement montrait à ses yeux qu’il fallait désormais que le gouvernement change de méthode et cesse d’attendre la reconstitution de lieux dortoirs au milieu des rues de la capitale pour envisager des hébergements. Elle voit son antienne reprise par le milieu associatif.

Samedi, la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, embêtée par le refus de France Terre d’asile et d’Emmaüs Solidarité de participer à l’évacuation de mercredi, a rédigé une lettre alambiquée sur son compte Twitter. Elle y souligne à la fois l’impossibilité de continuer à gérer les arrivées dans Paris de la sorte, tout en se félicitant de ce qu’a réalisé le gouvernement. Un exercice d’équilibrisme politique qui risque d’avoir du mal à tenir dans la durée.