Le drapeau  du Parti de l’union démocratique  kurdes lors d’une manifestation à Qamishili en Syrie le  4 fevrier 2016. | DELIL SOULEIMAN / AFP

Il aura fallu l’accord au moins implicite des autorités françaises. Une « représentation du Rojava en France » ouvrira ses portes le 23 mai à Paris, dans un local de quelque 300 m2 proche de l’Hôtel de Ville. Les Kurdes syriens, qui ont proclamé leur autonomie en mars comme « entité fédérale démocratique » dans les zones qu’ils contrôlent au nord du pays, auront désormais pignon sur rue à Paris après Moscou – dès l’automne 2015 – puis ces dernières semaines Stockholm et Berlin. « C’est une reconnaissance tacite, officieuse certes, mais qui est un premier pas », se félicite Patrice Franceschi, « écrivain-aventurier » comme il se revendique lui-même, engagé à fond dans la cause des Kurdes syriens. Il a joué, avec d’autres, un rôle clef dans cette initiative.

Le « gouvernement régional kurde irakien », reconnu par la Constitution de 2005, a déjà depuis des années des représentations officielles dans nombre de capitales occidentales. Le cas du Rojava dans un Syrie en pleine guerre civile est différent. « Nous avons reconnu la coalition nationale syrienne », rappelle-t- on au Quai d’Orsay.

Cette inauguration ne pourra qu’irriter l’opposition syrienne. Aux yeux de celle-ci, le Parti de l’union démocratique (PYD), devenu hégémonique dans les trois cantons kurdes qu’il contrôle, a toujours entretenu des liens plus qu’ambigus avec le régime de Bachar Al-Assad, qui s’est retiré en 2012 sans combattre dans ces zones en lui laissant le pouvoir. Les autorités turques, elles, considèrent le PYD comme « organiquement » lié au PKK – classé organisation terroriste par l’Union européenne et par Washington –, qui mène depuis 1984 la lutte armée contre Ankara.

« Cause fédératrice »

Partenaire indispensable dans la lutte au sol contre l’organisation Etat islamique (EI), le PYD est devenu depuis deux ans un interlocuteur pour les Occidentaux. Son leader et coprésident du PYD, Salih Muslim, a ses entrées aussi bien à Washington que dans les capitales européennes engagées en Irak et en Syrie. En janvier 2015, François Hollande avait reçu à l’Elysée deux combattantes en uniforme des YPG – les milices du PYD – qui avaient affronté et vaincu l’EI dans la ville de Kobané.

Diplomatie oblige, Paris devrait faire profil bas pour l’inauguration. Les Kurdes syriens, eux, sont bien décidés à marquer le coup. Le « premier ministre » du Rojava, Hakram Isso, ou au moins son « ministre des affaires étrangères », Abdul Karim Omar, ainsi que Salih Muslim devraient être présents. Plusieurs députés et sénateurs français également, et probablement la maire de Paris, Anne Hidalgo. « C’est une cause fédératrice car nous avons le même ennemi », souligne Patrice Franceschi, qui s’active pour ouvrir un « centre culturel francophone » à Kamechliyé, la « capitale » du Rojava.