Sélection officielle – en compétition

Cette seconde moitié du Festival de Cannes 2016 s’annonce comme une galerie de portraits féminins. Avant de faire la connaissance de la Julieta d’Almodovar, de la Clara de Kleber Mendonça Filho (Aquarius), de la Personal Shopper d’Assayas, de La Fille inconnue des Dardenne ou de l’Elle de Verhoeven, c’est à Gabrielle, héroïne du Mal de pierres, de Nicole Garcia, que revient l’honneur d’inaugurer l’exposition.

Gabrielle est provençale, rebelle, fragile (on dirait sans doute aujourd’hui bipolaire) et quand on la rencontre, elle est encore adolescente. Ce qui fait vaciller le début de Mal de pierres. Il faut un petit effort pour que vienne la croyance en une Marion Cotillard se jetant à la tête d’un professeur. Mais sans doute était-il indispensable d’ancrer le récit dans cet incident originel pour qu’arrive la suite.

Nicole Garcia a choisi la méthode la plus classique qui consiste à s’appuyer d’abord sur les acteurs

Celle-ci fera traverser à Gabrielle deux décennies, des confins de la folie à l’aube de la vieillesse. S’appuyant sur un roman de Milena Agus (2006) originellement situé en Sardaigne, Nicole Garcia navigue entre les écueils que ce type de récit fait surgir sur la route d’un metteur en scène. La réalisatrice de Place Vendôme (1998) a choisi la méthode la plus classique qui consiste à s’appuyer d’abord sur les acteurs.

Gabrielle n’est pas seulement troublée en son esprit, elle souffre aussi de coliques néphrétiques, qui – nous sommes dans les années 1940 – lui interdisent d’être mère. A l’invitation pressante de sa mère à elle, propriétaire terrienne dictatoriale (c’est Brigitte Roüan qui prend l’emploi, que tenait Dominique Sanda dans le précédent film de Nicole Garcia, Un beau dimanche), Gabrielle accepte d’épouser José, un ouvrier agricole catalan qui, à l’aube des Trente Glorieuses, voit s’ouvrir devant lui un bel avenir d’entrepreneur en bâtiment. Le rôle a été confié à Alex Brendemühl, que l’on avait vu en Josef Mengele dans Le Médecin de famille, de Lucia Puenzo. Acteur à la présence impressionnante, qui peut se permettre d’être laconique en mots comme en émotions, il fait un « sparring partner » parfait pour Marion Cotillard, qui joue toujours avec les paroxysmes.

Mensonges, illusions et regrets

Sa maladie physique permet à Gabrielle d’échapper un temps à son mariage sans amour. Dans un établissement de soins montagnard où l’on essaie de briser les pierres à coups de jet d’eau, elle fait la connaissance d’un bel officier qui a contracté une terrible maladie sous les tropiques. Louis Garrel est pâle et séduisant comme il le faut, et pourtant ces longues séquences échappent peu à peu aux clichés de la romance, pour glisser du côté de l’incertitude – on ne sait plus si Gabrielle aime ou rêve.

Il faudra encore un peu de temps (des années aux personnages, presque une moitié de film aux spectateurs) pour dénouer l’écheveau de mensonges, d’illusions et de regrets qui s’est emmêlé dans ces moments baignés de brume. En cette longue conclusion, Marion Cotillard renonce, un par un, aux signes qui disaient le malheur de son personnage, parvenant finalement à une maturité qui devrait bien lui seoir dans les années à venir.

Film français de Nicole Garcia avec Marion Cotillard, Louis Garrel, Alex Brendemühl (2 heures). Sur le Web : www.festival-cannes.com/fr/films/mal-de-pierres et www.studiocanal.fr/cid34900/mal-de-pierres.html