Le général Christian Piquemal, lors de son arrivée au tribunal de Boulogne-sur-Mer, le 12 mai. | DENIS CHARLET / AFP

Le général n’est pas venu. C’est le citoyen Christian Piquemal qui a pris place sur le banc des accusés du palais de justice de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), jeudi 12 mai. L’ex-patron de la Légion étrangère (entre 1994 et 1999) comparaissait pour avoir participé à une manifestation antimigrants (voire, l’avoir organisée) à Calais le 6 février, malgré l’interdiction préfectorale.

A 75 ans, l’homme parle d’une voix claire, très assurée, à la barre. Son argumentaire est limpide. Sur le banc, en revanche, ses mains légèrement tremblantes déplient et replient des petits morceaux de papier portant des formules surlignées. Il porte une veste bleu nuit à la coupe parfaite et un pantalon noir, comme s’il avait mixé par mégarde deux costumes. C’est en réalité l’uniforme du Cercle des citoyens-patriotes, ce regroupement qu’il préside depuis sa création en décembre 2015. C’est d’ailleurs pour tenter de créer une fédération de micromouvements analogues à son Cercle, voulant sauver une « identité nationale », que le général est venu à Calais début février. Il avait en outre l’intention de manifester, comme l’indique un billet sur son site.

Christian Piquemal, le 6 février, lors de la manifestation anti-migrants de Calais. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Ce jour-là, en effet, le mouvement islamophobe allemand Pegida appelle à protester contre la présence de migrants à Calais. Le général participe à ce rendez-vous pourtant interdit. Pour le procureur de la République, Jean-Pierre Valensi, M. Piquemal en était même l’organisateur. « Pas l’organisateur de droit, mais l’organisateur de fait, a affirmé le procureur. C’est un moyen bien connu des réseaux d’extrême droite : certaines personnes organisent la manifestation de droit en déposant une demande en préfecture, mais ne participent pas au rassemblement, et d’autres sont organisateurs de fait. »

Réquisitoire sévère

Pour les avocats du général, Mes Dominique Mattei et Gérald Pandelon, celui-ci n’était que de passage. Les quelques vidéos du « Petit Journal », émission satyrique de Canal+, et du site d’extrême gauche Taranisnews, projetées à l’audience, n’ont rien démontré sur ce point. Elles n’ont pas non plus permis de savoir si M. Piquemal a entendu les premières séries de sommation. Ce qu’il nie.

Au final, en dépit d’un réquisitoire sévère, le procureur a demandé une amende de 500 euros quand, sans surprise, les deux avocats du prévenu ont plaidé la relaxe. A la barre, Christian Piquemal a, lui, fait part de son regret : « Les événements du 6 février m’ont débordé, j’ai seulement voulu participer à un débat d’idées. Je regrette l’évolution des événements et je regrette de comparaître devant une juridiction pénale à mon âge », a-t-il insisté. Me Mattei s’est plus longuement arrêté sur l’absurdité de voir un « général de grande armée poursuivi pour participation à un attroupement ».

Le jugement sera rendu le 26 mai et la sanction militaire, après passage devant le Conseil supérieur de l’armée de terre, au cours de l’été. Le militaire risque une mise à la retraite de la deuxième section à laquelle il appartient.

Pour beaucoup de sympathisants d’extrême droite, celui qu’ils appellent « le général » est devenu un symbole. Jeudi, devant le tribunal, une dizaine de personnes se sont rassemblées dans le calme, entonnant une Marseillaise.