Mathieu Valbuena, le 23 avril, à Toulouse. | REMY GABALDA / AFP

Lucide, Mathieu Valbuena avait fait une croix sur l’Euro 2016 depuis plusieurs semaines. Au sortir d’une saison noire, entre chantage à la sextape et litanie de blessures, l’ailier de l’Olympique lyonnais (OL) ne figure pas dans la liste des 23 Bleus retenus pour disputer le tournoi organisé en France du 10 juin au 10 juillet. Cette mise à l’écart s’apparente à un funeste coup d’arrêt pour la carrière internationale du joueur de 31 ans au parcours atypique, exclu en 2003 du centre de formation de Bordeaux en raison de son gabarit modeste (1,67 m).

Homme de base de Deschamps depuis août 2012 et son intronisation à la tête des Tricolores, « Petit vélo » (52 sélections, 8 buts) avait brillé lors du Mondial 2014 au Brésil. Comme une revanche pour le natif de Bruges (Gironde), acteur écœuré du fiasco de Knysna lors de la Coupe du monde 2010 et seul joueur de champ retenu par Laurent Blanc à n’avoir pas foulé les pelouses ukrainiennes durant l’Euro 2012.

Le 4 septembre 2015, l’ex-poumon de l’Olympique de Marseille (2006-2014) avait inscrit, à la 85e minute, un coup franc d’anthologie, offrant une victoire précieuse (1-0) aux Bleus lors d’un déplacement périlleux au Portugal. Mais sa dernière apparition sous le maillot tricolore remonte au 11 octobre et un succès (2-0) au Danemark. « Tout s’est ligué contre Mathieu. Il ne méritait pas de rater l’Euro et ce qu’il a vécu. C’est une profonde injustice », assure son ancien agent Christophe Hutteau, qui a été remplacé en 2014 par Jean-Pierre Bernès, l’impresario de… Deschamps.

Acheté contre 5 millions d’euros par l’OL au Dynamo Moscou, Valbuena était loin de penser que son retour en Ligue 1, à l’été 2015, virerait au cauchemar. Le 20 septembre, un pantin à son effigie est pendu dans les travées du Stade Vélodrome par les supporteurs marseillais à l’occasion du retour houleux du « traître » à Marseille. Le 5 octobre, lors d’un rassemblement des Bleus à Clairefontaine, son coéquipier Karim Benzema le prend à part pour le mettre en contact avec son ami Karim Zenati afin de « l’arranger » dans l’affaire du chantage à la sextape, dont il est la victime. Un mois plus tard, l’attaquant du Real Madrid est mis en examen pour « complicité de tentative de chantage » et « participation à une association de malfaiteurs ». Placé sous contrôle judiciaire, il ne peut côtoyer Valbuena.

Blessures et pépins musculaires

C’est pour le laisser « souffler » que Deschamps ne sélectionne pas l’ailier lyonnais, à l’instar de Benzema, lors des matchs amicaux contre l’Allemagne et l’Angleterre, les 13 et 17 novembre. Ce qui équivaut à une double peine pour Valbuena. « Même à mon pire ennemi, je ne ferais pas ça », confie-t-il au Monde dans la foulée, revenant sur l’affaire de la sextape et déplorant l’indifférence de la Fédération française de football à son égard. A la suite de la publication de cet entretien, l’institution se portera partie civile.

Alors que son temps de jeu avec l’OL fond, Valbuena collectionne – pour la première fois de sa carrière – blessures et pépins musculaires durant l’hiver. « L’affaire a eu un impact. Ce serait malhonnête de dire le contraire », analyse Christophe Hutteau. En avril, il reprend la compétition mais son statut de remplaçant et son faible rendement (1 but cette saison en L1) le plongent dans un spleen profond.

Peinant à justifier son revenu de 6 millions d’euros annuels, il pâtit notamment de l’imposant réservoir d’attaquants dont dispose l’OL. Le 22 avril, à Toulouse, il prend à partie un supporteur. « Voilà la personne à cause de qui Benzema ne joue pas l’Euro (sic) », aurait eu le malheur de souffler le fan, qui a porté plainte après l’incartade. Désireux de quitter Lyon, Valbuena replonge physiquement et suit depuis les tribunes la correction (6-1) infligée, le 7 mai, par ses coéquipiers à Monaco, et synonyme de qualification directe de l’OL en Ligue des champions.

Barré en club, il voit son avenir définitivement s’obstruer en sélection, avec l’émergence des prodiges Kingsley Coman, 19 ans, et Anthony Martial, 20 ans, retenus, eux, pour l’Euro. « Si Mathieu avait été performant, au top physiquement, nul doute que Deschamps l’aurait pris, malgré l’affaire, estime Christophe Hutteau. Ce sera difficile pour lui de revenir parmi les Bleus. »R. D.