En déplacement à Fresco (sud-ouest), lors du week-end de la Pentecôte, l’ambassadeur du Vatican en Côte d’Ivoire, Joseph Spiteri, a été porté dans un hamac (sorte de chaise à porteur) à son arrivée, samedi 14 mai. L’image, vite comparée aux pratiques coloniales, a immédiatement provoqué un tollé.

« Le nonce apostolique est descendu de son véhicule à la demande des paroissiens pour être porté. Aucun acte colonial ici » ; « Je répète que chez nous, à Fresco, on peut porter en hamac celui que nous estimons » : depuis quarante-huit heures, l’ancien ministre ivoirien des sports et maire de Fresco, Alain Lobognon, tente de justifier la scène. En vain, la polémique ne cesse d’enfler autour de cette image qui a déjà fait le tour de la Toile, mais a été retirée du premier compte Facebook où elle avait été diffusée.

« Il ne restait plus que le fameux casque blanc au nonce pour que nous soyons à nouveau les pieds joints dans l’époque coloniale », ironise Séraphin Blé, enseignant d’histoire-géographie dans un établissement scolaire d’Attécoubé (centre d’Abidjan). « Qu’un roi soit porté, c’est bien une tradition de chez nous et nous comprenons cela. Mais porter un prêtre blanc dans un hamac à cette époque-ci, c’est à croire que nous sommes encore nostalgiques de cet humiliant passé », soutient-il. Comme d’autres observateurs, il se dit scandalisé.

« Ramer à contre-courant »

« Pour ma part, je ne suis pas seulement choqué, je suis aussi dégoûté. Je trouve l’acte posé indigne », a écrit, mardi, dans une tribune intitulée « Honte à Monseigneur Spiteri et à ses porteurs ! », le prêtre ivoirien démissionnaire Jean-Claude Djéréké, qui vit au Canada. « Jésus naquit et vécut pauvrement, parce qu’il était contre le culte de la personnalité, parce qu’il abhorrait le carriérisme, les premières places, titres et privilèges », relate-t-il, inspiré des écrits bibliques. Jean-Claude Déjéréké s’en est surtout pris aux porteurs du nonce : « Ils font honte à l’Afrique qui se bat pour rester digne et debout. En d’autres termes, ils rament à contre-courant de cette Afrique qui veut en finir avec le faux complexe d’infériorité. »

Mais, dans la capitale économique ivoirienne, le hamac du nonce apostolique, n’est pas si mal vu perçucela. Pour certains Ivoiriens, il faut relativiser. « Tout le monde sait que, en Afrique, quand on reçoit un hôte de marque, on lui montre qu’on est enchanté de le recevoir. Le nonce est un peu comme le pape et, quand il rend visite à une communauté, cette dernière veut marquer cela d’une pierre blanche », explique l’Abidjanais Honoré Kouamé.

« Il n’y a eu ni culte de la personnalité, ni un quelconque culte du Błanc. C’est juste un grand honneur exprimé par nos frères catholiques d’accueillir ce haut dirigeant religieux. Il ne faut pas interpréter cet instant de reconnaissance autrement », suggère Odette Yéo, paroissienne de l’église Saint-Ambroise d’Angré, à Abidjan.

Contacté par Le Monde Afrique, le chancelier de la nonciature apostolique du Vatican à Abidjan entendait s’entretenir avec le nonce avant toute réaction publique.