M. Nétanyahou, à Jérusalem, le 4 mai. | POOL / REUTERS

La France se dit prête à déplacer de quelques jours la conférence internationale prévue à Paris pour le 30 mai, qui vise à relancer le processus de paix au Proche-Orient. Ce léger changement de calendrier, qui doit être rapidement décidé et annoncé afin que la vingtaine de pays et puissances invités ait le temps de s’adapter, s’explique par la volonté d’accueillir tous les acteurs-clés, notamment les Etats-Unis. Ceux-ci n’ont pas encore formellement confirmé leur présence ni qui, en vertu du protocole, les représentera. Mais après des mois de flou, leurs intentions se précisent, dans un sens favorable. En attendant la réponse américaine, la Russie et le Royaume-Uni n’ont pas confirmé leur participation, Moscou évoquant aussi un problème de date.

Jean-Marc Ayrault, le ministre des affaires étrangères de la France, doit arriver en Israël samedi. Cette visite ouvre une séquence diplomatique intense au sujet du conflit, jusqu’au 6 juin, date du début du ramadan. Elle précède de quelques jours la publication d’un rapport très attendu du Quartet – Organisation des Nations unies, Union européenne, Russie et Etats-Unis –, qui doit dessiner des pistes pour une reprise des négociations et fournir de la matière à la conférence de Paris. M. Ayrault doit rencontrer dimanche Benyamin Nétanyahou, le premier ministre d’Israël, ainsi que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, à Ramallah. Cette visite éclair a pour objectif notamment d’informer les deux parties sur les préparatifs de la réunion de Paris, à laquelle ils ne participeront pas. Palestiniens et Israéliens sont censés rejoindre la table du groupe international de soutien dans un deuxième temps, lors d’une conférence prévue pour la fin de l’année, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement.

Changement de ton israélien

M. Ayrault a reçu John Kerry, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, le 9 mai. Un entretien jugé « positif » par une source française, selon laquelle M. Kerry s’est montré « ouvert » à une participation de son pays à la conférence de Paris. Mais la date ne lui convient pas. « On peut faire preuve de souplesse sur quelques jours, ce n’est pas l’essentiel », dit un diplomate français. La participation probable des Américains a provoqué un changement de ton immédiat du côté israélien, où l’initiative française, ces dernières semaines, avait été observée avec un certain détachement. Le gouvernement misait sur le fait que le contexte était trop défavorable, et les bonnes volontés trop rares. « On n’est plus dans cette configuration », reconnait une source israélienne.  

« Cette présence américaine donnerait plus de poids à la conférence et un vernis d’aval américain. Mais le fait que Kerry participe ne signifierait pas qu’il serait d’accord avec tout. »

Le changement de ton israélien, de la réserve à une franche opposition, s’est manifesté publiquement dans un entretien accordé jeudi par Dore Gold, le directeur général du ministère des affaires étrangères d’Israël, au Jerusalem Post. Selon le diplomate, très proche de M. Nétanyahou, l’initiative française « ne [les] rapproche pas d’une solution négociée, et même au contraire [les en] éloigne ». Il souligne la nécessité d’une référence claire à Israël comme Etat juif pour envisager tout adoucissement de sa position.

Rumeurs à propos d’un gouvernement de coalition

En outre, les Israéliens dénoncent le vote de la France le 14 avril au conseil exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en faveur d’un texte sur la « Palestine occupée » visant à « sauvegarder le patrimoine culturel palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est ». Cela relèverait d’une « incompréhension », a fait savoir le président François Hollande. Le 11 mai, le premier ministre Manuel Valls a confirmé l’embarras français, en regrettant « des formulations malheureuses, maladroites, qui heurtent et qui auraient dû être incontestablement évitées, comme ce vote ». Paris sait que ce vote symbolique parasite ses efforts diplomatiques, donnant un prétexte aux Israéliens pour détourner la conversation.

Mais Israël cherche aussi à envoyer quelques messages plus constructifs. Dans un échange sur Twitter, jeudi, M. Nétanyahou a estimé que le plan de paix arabe, présenté en 2002, auquel Israël n’a jamais formellement répondu, « mériterait une discussion approfondie » s’il était actualisé. Il a aussi répété qu’il était prêt à rencontrer Mahmoud Abbas à tout moment. Enfin, et c’est tout sauf une coïncidence de dates, les rumeurs s’intensifient au sujet de la formation d’un gouvernement de coalition en Israël.

Une telle ouverture politique aurait plusieurs avantages pour M. Nétanyahou : elle élargirait sa majorité à la Knesset, et adoucirait l’image de son gouvernement à l’étranger, aujourd’hui dominé par le camp national religieux. Depuis pratiquement un an, la presse affirme que M. Nétanyahou a fait des avances au leader travailliste Yitzhak Herzog, dont le parti est très divisé à ce sujet. Sur sa page Facebook, jeudi, celui qu’on surnomme « Bouji » a reconnu implicitement la tenue de ces négociations secrètes, en écrivant qu’aucune offre n’avait encore satisfait ses exigences. Outre les portefeuilles qui seraient réservés à son camp, comme les affaires étrangères, le chef de l’opposition veut disposer d’un mandat clair dans les négociations avec les Palestiniens. Il demande aussi l’abandon de législations jugées discriminatoires et la défense de l’indépendance de la Cour suprême.