Par Shmuel T. Meyer

Les terribles mots du chef d’état-major adjoint de Tsahal, Yaïr Golan, lors des commémorations de la Shoah cette année, résonnent comme la prophétie de Haggaï qui affirmait que le temple ne garantissait pas de sainteté à un peuple fautif. La démocratie israélienne, inscrite dans les gênes du sionisme des pères fondateurs, est en danger.

Netanyahou est-il un antidémocrate ? À cette question je répondrai que, celui qui se fait appeler « Bibi », n’est qu’un démagogue, un homme assez veule, somme toute, sans colonne vertébrale, un politicien prêt à pactiser avec n’importe qui, pourvu que cela lui permette de se maintenir au pouvoir. Il a pactisé dans le passé avec son alter ego Ehud Barak, avec les ultraorthodoxes et, depuis toujours, avec l’extrême droite nationale-messianiste, raciste, violente et haineuse.

Pour garantir son futur politique, il dresse les Israéliens entre eux : les séfarades contre les ashkénazes, la périphérie contre Tel-Aviv, les juifs contre les Arabes, le « peuple » contre les « élites », les religieux contre les laïcs, le folklore contre la culture, le pays contre le monde entier. Allié au parti Foyer Juif, le premier ministre donne chaque jour des coups plus mortels à la démocratie. Israël est en voie d’Erdoganisation, d’Orbánisation.

Une alternative… quelle alternative ? La gauche, quelle gauche ? L’alternative politique est réduite au Meretz et aux quelques éléments du parti travailliste qui ne se vendront pas contre un bol de lentilles. Une gauche qui, pour s’être coupée, méprisante, de l’Orient qui est en nous, est inaudible à la périphérie. Une gauche qui continue de proposer, avec l’entêtement des idiots inutiles, des solutions d’un autre siècle pour résoudre le conflit palestino-israélien et plus largement arabo-israélien - Les territoires contre la paix et embrassons-nous Folleville !

Il est une proposition qui ne fera plaisir à personne mais que je veux mettre aujourd’hui sur la table. Elle est celle d’un Israélien sioniste préoccupé par son pays. Celle d’un citoyen qui se fout royalement du destin que nos voisins arabes se choisiront. Chacun son truc. Je n’ai ni l’ambition, ni l’envie de discuter de l’islamisation ou du bras de fer sanglant que se livrent sunnites et chiites, mon ami et frère Boualem Sansal, le fait beaucoup mieux que moi. Ma prétention est autre, limitée à ce que je sais de mon peuple et de ma « matrie ».

Alors banco – En l’absence d’interlocuteur (un Fatah déliquescent en voie d’extinction, un Hamas corrompu en voie d’extension, si le Djihad islamique et l’organisation Etat islamique lui en laissent le loisir), Israël doit se retirer unilatéralement de la totalité des territoires occupés. L’Etat doit prévenir les habitants, de ce que la Bible nomme la Judée-Samarie, qu’ils ont deux ans pour revenir du bon côté de la frontière et que ni l’armée ni la police ne prendront la peine de les déloger comme à Gaza et que s’ils désirent rester là où ils sont, qu’ils y restent avec le statut qu’ils se choisiront - Israéliens de l’étranger ou palestiniens juifs ou bien martiens. L’Etat doit prévenir la nation que le retour sur les frontières de 1967 ne signifie nullement la paix et qu’il y a fort à parier pour que nos ennemis d’aujourd’hui soient nos ennemis de demain.

Cette solution qui a le mérite de faire hurler à peu près tous les secteurs de la population et probablement nombre de mes amis, est la seule que je vois pour sauver l’âme de mon pays et la démocratie. Chaque jour, au-delà des check point, nous arrachons en lambeaux, les morceaux de notre dignité. L’existence d’Israël ne garantit pas, à elle seule, l’avenir d’un peuple juif amputé de son éthique.

Shmuel T. Meyer est écrivain israélien. Son dernier livre est le roman La Bouche ouverte, Serge Safran Editeur, 2015