L’artiste Simon Njami lors de l’exposition Africa Remix, à Johannesburg, en 2007. | AFP

Pourquoi intituler « Réenchantement » une exposition placée sous le signe de la colère ?

Parce qu’il faut toucher le fond pour remonter. Une prise de conscience générale est nécessaire avant qu’un réenchantement soit possible. L’alternative est entre le déni, qui ne sert à rien, et la prise de conscience, qui permet de commencer à travailler. Il faut connaître le passé pour pouvoir identifier les maux à soigner.

Comment avez-vous choisi les artistes ?

J’ai respecté la règle des biennales précédentes : tout artiste africain qui le souhaite est invité à formuler une proposition. Nous avons reçu à peu près 400 dossiers et 30 ont été retenus. Les autres artistes sont venus à mon invitation et, je crois aussi, en raison du caractère exceptionnel du lieu. Quand je suis entré dans le palais de justice, lieu principal d’exposition, j’ai vu ce que tel ou tel en ferait. Aussi était-il capital de pouvoir investir le palais. Après un peu de bagarre, nous y sommes parvenus. Il y a eu de nouveaux examens de l’état du bâtiment. Par endroits, il a fallu renforcer, murer, mettre des rambardes. Et l’impossible a été possible.

A quel coût ?

660 millions de francs CFA (1 million d’euros, NDLR), en deux versements. Mais la moitié du budget a été consacrée aux impayés de la Biennale précédente et au retour chez leurs auteurs d’œuvres qui auraient dû leur être renvoyées il y a deux ans…

La place des femmes artistes est essentielle. Est-ce volontaire ?

Non, c’est un instantané de la situation. Leurs travaux se sont imposés d’eux-mêmes, par leur force, comme se sont imposées d’elles-mêmes des œuvres qui font écho aux révolutions arabes et africaines. Leurs effets ne seront pas immédiats, mais je ne connais pas de révolution qui n’ait commencé à l’état de rêve. Sinon, nous resterions à croupir dans la passivité. Et il est un autre point que je tiens à mettre en évidence, la moyenne d’âge : il y a dans l’exposition beaucoup d’artistes jeunes, très jeunes même.

Vous avez à plusieurs reprises employé l’expression : les « non-alignés de l’art ». Que signifie-t-elle ?

Que nous ne sommes ni à Venise ni à Kassel, mais à Dakar. J’ai donc invité des commissaires venus d’Inde ou du Brésil pour qu’ils voient l’Afrique et que l’Afrique les voie. En agissant ainsi, je veux favoriser l’apparition d’une pensée de l’art qui tienne compte des différences. Que l’on commence ici à fabriquer notre propre outil en fonction de nos propres nécessités.