Frédéric Oudéa, directeur de la Société générale depuis 2008. | Francois Mori / AP

Le bureau du Sénat se penchera le 26 mai sur le « cas Oudéa » – du nom de Frédéric Oudéa, l’actuel directeur général de la Société générale – et l’affaire des « Panama papers », ont indiqué au Monde des sources concordantes.

Un courriel en ce sens du secrétariat général du président de la haute assemblée, Gérard Larcher (Les Républicains), est parvenu, jeudi 12 mai en fin d’après-midi, aux vingt-cinq autres membres du bureau. Ensemble, les sénateurs vont donc statuer sur les éventuelles suites judiciaires à donner aux déclarations effectuées le 17 avril 2012 par M. Oudéa devant une commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux.

S’exprimant sous serment, le directeur général de la banque française avait alors affirmé que celle-ci avait fermé toutes ses implantations dans les paradis fiscaux non coopératifs, dont notamment au Panama, et n’y exerçait plus aucune activité.

415 sociétés offshore encore actives en 2012

Des assertions aujourd’hui mises à mal par les révélations de l’enquête des « Panama papers » et la mise au jour d’environ mille sociétés offshore créées par la banque française entre 1977 et 2015, pour ses clients, avec l’aide du cabinet panaméen Mossack Fonseca, dont 415 étaient encore actives en 2012. Des sociétés créées au Panama, mais aussi dans d’autres paradis fiscaux (îles Vierges britanniques, Seychelles…).

Le délit de faux témoignage devant une commission parlementaire étant passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende, les sénateurs devront dire si oui ou non le banquier a commis un parjure. Ce que M. Oudéa conteste avec la plus grande vigueur, faisant notamment valoir que la Société générale n’est pas physiquement présente au Panama et y intervient pour le compte de ses clients et non pour son compte propre.

L’initiative de la saisine du bureau du Sénat revient au groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC), dont la présidente, Eliane Assassi, avait écrit à cet effet au président du Sénat, le 6 avril. Le débat au sein du bureau promet d’être vif, tant les positions divergent d’un bord à l’autre, voire au sein même des groupes. Les partisans d’une action judiciaire se recrutent surtout à gauche et chez les écologistes.

Le camp des Républicains semble lui opposé dans sa grande majorité à toute action en justice, à l’instar, à ce jour, de certains sénateurs socialistes préférant régler par la voie du débat et éventuellement celle des évolutions de la législation bancaire et financière, les questions posées par le business offshore des banques et leur responsabilité dans les pratiques de fraude et d’évasion fiscales.

De plus, les déclarations de M. Oudéa, datant de plus de trois ans, pourraient être prescrites, même si ce point juridique n’a pas encore été clairement tranché par les experts du Sénat.

Controverse politique à venir

Mercredi 11 mai, lors d’une nouvelle audition de M. Oudéa au Sénat, devant la Commission des finances destinée à faire la lumière sur les révélations des « Panama papers », Eric Bocquet (CRC) et Philippe Dominati (Les Républicains), qui pilotèrent ensemble la fameuse commission d’enquête de 2012, le premier comme rapporteur, le second comme président, ont donné un avant-goût de la controverse politique à venir.

M. Bocquet, très remonté contre la Société générale et la responsabilité des banques dans la mise en place de schémas offshore facilitant l’évasion voire la fraude ficale, a montré son intention de batailler en faveur d’une action judiciaire, estimant que le Sénat s’en honorerait. M. Dominati, au contraire, a dit qu’à son sens, il n’y avait pas lieu de poursuivre.
« Je ne vois rien qui puisse amener le bureau du Sénat à poursuivre sur cette déclaration [d’avril 2012] de Monsieur Oudéa », a-t-il doctement déclaré, mercredi.

MM. Bocquet et Domani ont tous les deux transmis leurs avis – divergents – à M. Larcher.