la commissaire européenne au commerce, la libérale suédoise Cecilia Malmström, le 21 décembre 2015, à Bruxelles. | THIERRY CHARLIER / AFP

Conclure l’accord commercial Etats-Unis-Europe (Tafta, Trans Atlantic Free Trade Agreement, ou TTIP) si possible, avant la fin du mandat de Barack Obama, en janvier 2017. Ne pas abaisser les normes européennes, protéger les indications géographiques – en clair, le savoir-faire européen et les spécificités des produits locaux –, obtenir un engagement clair des Etats-Unis sur le développement durable : les objectifs de la commissaire européenne au commerce, la libérale suédoise Cecilia Malmström, restent les mêmes, comme elle l’a répété vendredi 13 mai, à Bruxelles, lors d’un conseil des ministres du commerce.

Ont-ils toutefois la moindre chance d’être atteints ? A chaque épisode la réponse est un peu plus claire : il faudrait un miracle, désormais, pour que cet accord visant à abaisser les barrières douanières et réglementaires aux échanges puisse être conclu dans le délai prévu. Et, pour la première fois, la commissaire a évoqué l’idée que les négociations pourraient se poursuivre avec celui, ou celle, qui succédera à M. Obama. « Le contenu est plus important que la rapidité », a déclaré Mme Malmström, sans se départir d’un certain optimisme quant à l’issue des négociations.

Manque de concessions de la part des négociateurs américains

Les obstacles se multiplient toutefois, au-delà de l’évidente hostilité d’une partie des opinions publiques, attestée par diverses enquêtes d’opinion. Le principal écueil est le manque de concessions de la part des négociateurs américains. Pour l’accès à leurs marchés publics, les exportations de leurs produits agricoles ou la reconnaissance des indications géographiques. Le mécanisme de protection des investisseurs, une priorité pour Washington, reste un autre sujet de contentieux, comme l’a indiqué la lecture des documents de la négociation, secrète jusque-là, dévoilés récemment par Greenpeace.

En Allemagne, où la chancelière Angela Merkel, croit encore possible de conclure avant la fin de l’année, les ministres de l’agriculture et de l’économie ne cachent plus leur hostilité. En Grèce, l’hypothèse d’un blocage du texte est ouvertement évoquée. En France, Manuel Valls a haussé le ton à la fin avril, indiquant que Paris refuserait de réduire ses exigences en matière de normes environnementales et sanitaires.

Le secrétaire d’Etat au commerce, Matthias Fekl, a estimé que l’arrêt des négociations était « l’hypothèse la plus probable ». Avant qu’au début du mois de mai François Hollande dise non, « à ce stade » à la conclusion du traité. « Il faut un accord global et équilibré, donc j’approuve totalement ce propos du président Hollande », commentait, vendredi 13 mai, Mme Malmström.

Si elle est devenue prudente sur l’issue du Tafta, la commissaire ne cache pas son enthousiasme, en revanche, quant à la possible conclusion du CETA (Comprehensive and Trade agreement), l’accord commercial en négociation entre l’Union européenne et le Canada. La Commission a déposé une ultime version du texte vendredi et espère le signer à l’automne, lors d’un sommet Europe Canada.

Un CETA décrié par les ONG

« C’est le meilleur accord que nous avons conclu, il ouvre des possibilités fantastiques pour les entreprises et les consommateurs », a déclaré Mme Malmström. Elle prend ainsi le contre-pied d’une série d’organisations qui, comme la Fondation Nicolas Hulot, en France, estiment que ce texte n’est qu’un « cousin » du Tafta et s’avère tout aussi néfaste. Selon les ONG, il remet en cause les normes sociales, le principe de protection ou les contraintes environnementales et sanitaires. La question des appellations protégées (l’accord les reconnaît mais en nombre limité) est également critiquée, comme le pouvoir démesuré qui serait accordé aux multinationales.

Il semble toutefois que le CETA est clairement sur la voie de la ratification. A condition que le Conseil (les Etats) et la Commission se mettent d’accord sur son statut : le premier considère qu’il doit être « mixte » (soumis à l’approbation des parlements nationaux), la seconde hésite, craignant une remise en cause de dernière minute. Les députés néerlandais pourraient hésiter à le voter, les élus du parlement de Wallonie ont déjà dit leur hostilité. Or, en Belgique, le commerce est une compétence régionalisée.

Dernier souci pour la Commission : la Bulgarie et la Roumanie pourraient ne pas ratifier le texte parce que, contrairement aux autres citoyens de l’Union, leurs ressortissants désirant se rendre au Canada seraient soumis à une obligation de visa. Selon le site EurActiv, les ambassadeurs des deux pays ont adressé récemment une lettre aux responsables de l’Union, indiquant que leur pays ne voterait pas le texte, sauf concessions canadiennes avant la fin des négociations.