Côte d’Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Maroc, Sénégal, Tunisie. D’ici la fin de l’année, les dizaines de milliers de vendeurs des points de vente Orange Money de ces pays ne feront plus aboutir les transactions financières de leurs clients avec leurs téléphones portables mais en tapotant sur un petit boîtier tactile orangé.

« Il s’agit là des premières commandes. A terme, nous devrions vendre entre 40 000 et 50 000 lecteurs à Orange », annonce Lionel Baraban, cofondateur avec Nicolas Berbigier de Famoco, la start-up française qui a développé, en 2010, ces fameux lecteurs universels munis de la technologie sans contact aussi appelée NFC (Near Field Communication).

17,4 millions d’utilisateurs sur le continent

En pratique, pour l’utilisateur Orange Money souhaitant envoyer de l’argent à un proche via son mobile, rien ne va vraiment changer. Les boîtiers Famoco vont être utilisés pour faire ce qu’Orange Money propose depuis sa création en 2008 : à savoir l’ouverture de comptes, le dépôt et le retrait d’argent envoyé via son service par ses quelque 17,4 millions d’utilisateurs sur le continent.

Mais pour Orange, ces lecteurs sans contact sont une belle avancée. Ils actent la professionnalisation d’Orange Money et offrent au leader des télécoms la possibilité de développer encore plus de nouveaux services.

« Passer par ce type de lecteur permet à Orange de professionnaliser les transactions », analyse Philippe Herlin, économiste spécialiste des nouveaux moyens de paiement. C’est un système propriétaire. Le vendeur ne peut pas modifier le programme ni installer d’applications sans l’autorisation des gestionnaires. » Un avantage sécuritaire comparé aux téléphones classiques dont sont actuellement munis les agents des 100 000 points de ventes Orange Money en Afrique.

Porte-monnaie virtuel

Comme ces lecteurs sont développés sous Androïd, Orange a la possibilité d’installer n’importe quelle application sur le système. Certains nouveaux services sont déjà en train d’être testés. « En Côte d’Ivoire, nous développons une application pilote sur le rendu de monnaie », explique Lionel Baraban. Comme dans d’autres pays, les commerçants ivoiriens n’ont pas toujours la monnaie suffisante pour la rendre aux clients. « L’idée est de proposer à ces derniers de remplacer la monnaie que le commerçant leur doit par des minutes de communication Orange ou encore de créditer directement leur compte Orange Money. »

Comment ? En collant au dos des téléphones des clients une vignette munie de la technologie NFC, directement connectée à leur porte-monnaie virtuel. Le vendeur n’aurait qu’à approcher le téléphone du boîtier Famoco pour convertir le rendu de monnaie. « Nous comptons étendre ce service à d’autres pays », assure Lionel Baraban.

Selon Philippe Herlin, l’intérêt majeur de ces lecteurs est qu’ils vont permettre à Orange de s’implanter davantage chez les commerçants en proposant une solution alternative et moins chère aux terminaux de paiement électroniques (TPE) classiques. « Il faut payer la location de la machine, les commissions bancaires, ouvrir une ligne téléphonique dédiée à l’appareil. Pour un petit commerçant, le coût d’un TPE oscille entre 3 et 5 % du chiffre d’affaires. Pour un grand magasin, c’est entre 2 et 3 %. » Un coût nettement supérieur à celui des lecteurs Androïd de la start-up française (100 euros l’unité).

Une solution de paiement dématérialisée

« Pour l’instant, seuls les agents Orange Money seront équipés. Mais nous souhaitons nous étendre aux commerçants en leur proposant une vraie solution de paiement, précise Lionel Baraban. La première phase consiste à créer un réseau en équipant le plus d’agents Orange Money possible. Une fois qu’ils le seront, il suffira d’ajouter sur le lecteur une application qui accepte le paiement. »

Les discussions avec Famoco étant toujours en cours, Orange ne souhaite pas s’exprimer pour le moment. Mais si la stratégie énoncée par le patron de Famoco se déploie, Orange aura réussi un gros coup : offrir une solution de paiement dématérialisée mais sans vrai compte bancaire, à une population africaine très peu bancarisée (autour de 24 % en Afrique subsaharienne).

« Nos boîtiers offrent à nos clients la possibilité de créer n’importe quel service très facilement  », résume le PDG de Famoco. La start-up à la cinquantaine de salariés voit les choses en grand. «  Nous voulons créer le leader mondial de la transaction sur Androïd. Avec nos lecteurs, tout est possible. Faire des cartes de fidélité, proposer des solutions de paiement lors de gros événements sportifs ou culturels, recharger des cartes de transport... Tout ça intéresse Orange mais ce n’est pas encore d’actualité, nous discutons… »

Pour la jeune pousse, le contrat qu’il finalise avec le leader des télécoms n’est pas son meilleur coup. Récemment, Famoco a signé avec le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. Le marché : digitaliser les coupons alimentaires dans les camps de réfugiés d’une quarantaine de pays.