Il y a déjà un « effet Janaillac ». Le nouveau PDG d’Air France-KLM, qui doit prendre ses fonctions le 4 juillet, a réussi à dénouer la crise qui paralyse la compagnie aérienne depuis des mois. Jean-Marc Janaillac a obtenu la levée du nouveau préavis de grève de quatre jours (du vendredi 24 au lundi 27 juin) déposé par les pilotes de la compagnie aérienne.

Pour obtenir ce résultat, Jean-Marc Janaillac s’est décidé à entrer dans la danse plus tôt que prévu. C’est de sa propre initiative, « sans aucune pression », indique-t-on chez Air France, que le PDG a souhaité rencontrer, mardi 21 juin, les trois syndicats de pilotes d’Air France, le Syndicat des pilotes de ligne (SNPL), le Syndicat des pilotes d’Air France (SPAF) et Alter.

La rencontre, qui s’est déroulée dans le cadre neutre d’un grand cabinet d’avocats parisien, n’a pas été un nouveau round de négociations entre syndicats et direction. A l’occasion de cette entrevue, le futur PDG d’Air France-KLM a seulement lu sa proposition aux représentants des pilotes. Outre le retrait du préavis de grève, M. Janaillac leur a demandé un moratoire de quatre mois sans nouveau conflit jusqu’au 1er novembre. Les pilotes, qui avaient jusqu’au mercredi 22 juin au soir pour répondre, n’ont pas tardé à saisir la main tendue du nouveau PDG.

« Définir une stratégie »

Dans un communiqué commun, mardi, les trois syndicats de pilotes d’Air France ont choisi de faire « le pari de la confiance ». En échange de cette trêve, l’ancien patron de Transdev s’est engagé à suspendre l’application du reliquat des mesures du plan « Transform », décidée par Frédéric Gagey, PDG d’Air France. L’une de ces mesures, entrée en vigueur le 1er juin, avait pour effet de baisser d’environ 5 % la rémunération des pilotes de la compagnie.

« Nous avons choisi de faire confiance, car le renouvellement du dialogue sincère avec les pilotes est un volet incontournable de l’équilibre d’une grande compagnie aérienne. C’est un pari », ont indiqué les trois syndicats.
Au premier rang des revendications des pilotes figure le « rééquilibrage » de l’activité entre Air France et KLM

Selon le futur PDG d’Air France-KLM, c’est « la situation » de la compagnie, menacée « d’un second préavis de grève de quatre jours », qui l’a conduit à intervenir plus tôt que prévu. Ce premier conflit avait déjà coûté près de 40 millions d’euros à Air France. De nouvelles journées de grève auraient pu être encore plus préjudiciables pour la compagnie, alors que la haute saison d’été va bientôt battre son plein. Outre cette facture salée, la grève avait aussi attisé les tensions avec les pilotes et la direction de KLM. Par son initiative, M. Janaillac a déjà réussi à apaiser le climat au sein de la compagnie aérienne. « C’est un soulagement », dit une source chez Air France.

« J’ai besoin de quatre mois », a indiqué M. Janaillac. Le temps nécessaire, selon lui, pour « instaurer le dialogue, écouter et bâtir ensemble une stratégie ». Le PDG estime que son offre « est une proposition équilibrée ».

Pour obtenir la confiance des pilotes, M. Janaillac leur a expliqué, d’emblée, qu’il n’était « pas venu chez Air France-KLM pour faire une stratégie de décroissance ». Une volonté qui tombe comme une pierre dans le jardin de l’actuelle direction de la compagnie, qui, elle, voulait absolument obliger les pilotes à aller au bout de leurs engagements. Quitte à endurer des grèves à répétition. Mais « il me faut du temps pour construire une stratégie », a ajouté M. Janaillac. Un discours qui a flatté les oreilles des pilotes.

« Rétablir la confiance »

Au premier rang de leurs revendications figure le « rééquilibrage » de l’activité entre Air France et KLM. Les pilotes d’Air France accusent, chiffres à l’appui, la direction de la compagnie franco-néerlandaise d’avoir privilégié le développement de KLM au détriment de celui d’Air France. Selon leurs calculs, la flotte d’avions long-courriers d’Air France devrait accueillir vingt appareils supplémentaires en cinq ans pour rétablir l’équilibre avec la compagnie néerlandaise. Un investissement sans effort financier supplémentaire pour Air France-KLM, précisent les syndicats français, puisque la compagnie investit déjà environ un milliard d’euros par an pour moderniser sa flotte.

Avec ce répit de quatre mois, M. Janaillac a indiqué qu’il souhaitait d’abord « rétablir la confiance » et bâtir « un projet collectif crédible ». En revanche, il n’a pas voulu prendre tout de suite d’engagements précis, notamment en réponse aux revendications des pilotes. Encore en fonction à la présidence de Transdev, le futur PDG n’a pas eu le loisir de prendre totalement la mesure des problèmes d’Air France. Pas question de précipiter les échéances.

« Je ne serai pas plus capable d’y répondre dans les deux ou trois semaines », après mon entrée en fonction, a ajouté M. Janaillac, qui a néanmoins fixé un nouveau rendez-vous, mardi 12 juillet, avec les pilotes.

Si le nouveau PDG a écarté un péril, il n’a pas éteint tous les incendies. Après les pilotes, c’est au tour des 13 500 hôtesses et stewards d’Air France de ruer dans les brancards. Les syndicats de personnels navigants commerciaux ont déposé un préavis de grève renouvelable du 27 juillet au 3 août. Ils soupçonnent la compagnie de faire traîner en longueur les négociations pour le renouvellement de leur accord collectif qui arrive à échéance en octobre.