Ce fut un coup de théâtre. Début mai, le maire de Nice, Christian Estrosi (LR), annonçait, lors d’une conférence de presse, la création dans la ville d’un centre de formation d’acteurs destiné aux débutants ou amateurs de tous âges et d’une troupe dirigés par le tandem Francis Huster et Steve Suissa. Pour ce projet qu’il a porté, le maire de la ville révélait qu’il serait implanté en lieu et place du Théâtre de la photographie et de l’image (TPI), musée municipal installé dans un bâtiment Belle Epoque du centre-ville. Et dans des délais assez courts : avant la fin de l’année.

Une annonce abrupte qui a surpris et inquiété le milieu culturel local tant du côté de la photographie que du théâtre. La contestation n’avait visiblement pas été anticipée, et pourtant, deux pétitions ont vu le jour ces derniers jours : l’une politique, autour d’un élu de l’opposition, l’autre citoyenne, lancée le 25 mai sur le site Change.org, qui a donné une forte résonance à l’affaire, puisqu’elle a déjà été signée par près de 4 500 personnes.

« Un déclassement »

Cet appel, initié par un photographe originaire de Nice, Olivier Remualdo, dénonce un « déclassement » pour le musée de la photographie. Si la future adresse n’a pas encore été statuée, un point de chute a été évoqué : dans l’immeuble du musée d’art moderne et contemporain de la ville, le Mamac, dans un espace en rez-de-chaussée qui accueille actuellement le Forum de l’urbanisme. La pétition évoque un « lieu sans âme » et inadapté à la photographie, « à moins d’engager de très lourds travaux » pour de bonnes conditions de conservation des œuvres (le fonds rassemble quelque 1 600 images de toutes les époques, 3 500 livres et plus de 300 appareils photos).

Autre inquiétude : que ce déménagement inattendu porte atteinte à la « renommée » de l’institution, où ont été exposés ces dernières années des photographes tels que « Sara Moon, Marie-Laure de Decker, Steve McCurry, ou Jean-Paul Goude et Martin Parr dernièrement, ainsi que des collections classiques, André Kertesz, Cartier-Bresson, Brassaï et Auguste Sander, entre autres », rappelle le texte.

Celui-ci dénonce également un « manque de respect pour les associations et théâtres déjà en place », et in fine « le sabotage d’un équilibre culturel local dont on sait qu’il est toujours fragile ». Nice Matin, qui a consacré une double page à cette « fronde » le 1er juin, confirme que l’accueil est mitigé dans le milieu du théâtre face à une annonce faite de manière « trop précipitée ». L’absence de concertation agace, tout comme le choix de stars parachutées dans l’offre locale.

« Une meilleure visibilité »

« Le palais va en réalité retrouver sa fonction initiale, puisque c’est un ancien lieu dédié au théâtre amateur et au cinéma », tempère Jean-Luc Gag, conseiller municipal délégué au théâtre, joint par Le Monde. Selon l’élu, le choix du bâtiment, qui dispose d’une scène inutilisée dans le contexte actuel, a ainsi des « raisons fonctionnelles et historiques ».

« Le TPI est un lieu reconnu, qui fonctionne bien, et ce déplacement inquiète les personnes qui le fréquentent », reconnaît l’élu. Il rappelle au passage une « anecdote » : en 1999, la création du musée de la photographie « avait aussi inquiété », alors qu’il avait fallu, à l’inverse, déplacer le théâtre amateur installé sur place. « Le lieu qui sera proposé par Christian Estrosi dans les jours à venir sera valorisant : plus central et passant, il offrira une meilleure visibilité », assure-t-il. Le rez-de-chaussée de l’immeuble du Mamac ne serait que l’un des « trois lieux à l’étude », affirme l’élu, qui estime que cette implantation créerait un « complexe culturel cohérent » avec le musée d’art moderne, le théâtre municipal et la bibliothèque.

Quant au cours Florent niçois imaginé par le duo Huster-Suissa, qui prendra le nom de « Petit Palais », il n’aura de public que le foncier : le lieu ne sera pas mis à disposition gratuitement, et un bail sera établi, affirme l’élu. Et « viendra simplement compléter l’offre » de la ville en théâtre, plutôt que représenter une concurrence.

De ce projet, dont les sources de financement restent floues, on sait que les candidatures de 60 apprentis-comédiens seront retenues et que les meilleurs éléments pourront intégrer la troupe, où ils se mêleront à des comédiens professionnels. Les premiers spectacles sont prévus en 2017, et seront programmés dans un festival local dédié.