Les forces de police déployées aux abords du Pulse, haut lieu gay d’Orlando et théâtre d’une fusillade meurtière dans la nuit du 11 au 12 juin. | STEVE NESIUS / REUTERS

Le ruban jaune court, interminable, séparant la vie et la mort. La police d’Orlando, en Floride, en a déroulé des kilomètres dans ce quartier résidentiel et paisible pour isoler le Pulse, boîte de nuit gay, où a été perpétré l’un des plus grands massacres recensés au cours de ces dernières années aux Etats-Unis. Un déploiement policier impressionnant campe dans la zone de mort, dimanche 12 juin. Plus de cinquante personnes ont été tuées là, la nuit précédente, par un unique assaillant qui s’est revendiqué de l’organisation Etat islamique, selon les médias américains. Des dizaines de véhicules bloquent l’Orange Avenue et les rues adjacentes.

De l’autre côté de la frontière jaune, Elizabeth Kohl, les yeux rougis de fatigue, croise ses bras sur sa poitrine, malgré la chaleur pesante du début d’après-midi. Quelques centaines de mètres séparent sa maison, sur Harding Street, de la boîte de nuit. Réveillée par une explosion survenue pendant l’assaut des forces de police, puis par les sirènes des ambulances, elle s’est précipitée sur les lieux, incrédule. « Les gens accouraient, j’ai vu un jeune en larmes, une main abîmée, je l’ai ramené chez moi pour le soigner. Il pleurait, se désespérait de ne pas avoir des nouvelles des amis avec lesquels il se trouvait. »

Le jeune homme, un Portoricain, ne s’exprimant qu’en espagnol, Elizabeth Kohl a demandé à son voisin, Jay Daniel, de traduire. Après avoir examiné la blessure, elle a conduit la victime à l’hôpital le plus proche avant de revenir chez elle, dans le tumulte. Deux hélicoptères avaient déjà pris position dans le ciel et ils patrouillent inlassablement dans le ciel gris, au-dessus de la zone délimitée par le ruban jaune. Depuis cette nuit, la jeune femme essaie de comprendre. « C’est tellement, tellement triste », glisse-t-elle avec émotion.

« Il faut résister à la haine »

Le Pulse, haut lieu gay, était réputé dans le quartier. « Un endroit animé, mais où il n’y a jamais eu de soucis », soupire Jay Daniel. « Le quartier non plus n’est pas un quartier à problèmes, quelques gens font parfois un peu trop la fête, mais rien de plus. » C’est ce que confirme le jeune père de famille (qui refuse de donner son nom) habitant un peu plus près, au numéro 1824, sur Hollenbeck Street. « Hier soir, je suis rentré tard, vers minuit, avec ma femme, d’une promenade en bicyclette. Lorsque la police est intervenue, on a compris qu’il se passait quelque chose d’anormal. Ils étaient tellement nombreux. Très vite, on a eu l’impression qu’ils avaient le contrôle de la situation. Alors nous n’avons pas eu le temps d’avoir peur. » A quoi s’attend-il dans les jours prochains. Il réfléchit un instant. « Orlando s’en remettra, c’est une ville très dynamique, mais c’est sûr qu’il va aussi y avoir ce long deuil. »

Au nord du Pulse, sur l’Orange Avenue, des dizaines de camions régie sont installés pour un long siège et une succession ininterrompue de directs. Hassan Shibly, un responsable du Conseil des relations américano-islamiques (Council American-Islamic Relations) pour la Floride, multiplie les entretiens. « Nous, musulmans américains, nous sommes endeuillés comme tout le monde dans le pays. Nous avons en Floride d’excellentes relations avec les autres religions mais aussi avec la communauté LGBT », assure-t-il. « Il faut résister à la haine, personne ne peut nous vaincre à part nous-mêmes, nous ne perdrons que si nous nous divisons. »

La toile blanche déployée par un homme à Orlando sur laquelle ont été ajoutées autant d’empreintes de mains que de victimes de la fusillade survenue dans la ville dans la nuit du 11 au 12 juin. | MANDEL NGAN / AFP

Sur l’asphalte du parking de la succursale d’une chaîne de restauration rapide, un jeune homme a déployé une toile blanche sur laquelle il a inscrit un appel à l’unité. Des empreintes de mains trempées dans des bacs de peinture jaune, violette, et rouge constellent la toile. Il y en a autant que de victimes.