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« L’incident survenu en Caroline du Nord est inquiétant et inacceptable. Le racisme et la discrimination n’ont pas leur place sur AirBnb. Cet utilisateur a été définitivement exclu. » Mercredi 1er juin, Brian Chesky, patron de la plate-forme américaine de location d’hébergement entre particuliers, s’est empressé de réagir au tollé suscité par l’expérience malheureuse d’une banquière nigériane de 28 ans. Sa demande d’hébergement à Charlotte (Caroline du Nord) a en effet été refusée par un hôte AirBnb parce qu’elle était noire, comme le prouvent des captures d’écran de messages ouvertement racistes qu’elle a reçus.

Dans la foulée, AirBnb, qui compte plus de 1,5 million d’annonces de logement dans 190 pays, a également annoncé l’ouverture d’une enquête interne auprès de ses utilisateurs pour lutter contre les pratiques discriminatoires. L’entreprise, déjà accusée de contribuer à la crise du logement dans certaines grandes villes comme San Francisco et Paris, est critiquée depuis plusieurs mois pour son laxisme présumé face au racisme de certains utilisateurs. Ces pratiques, dénoncées sur les réseaux sociaux sous le hashtag #AirBnbWhileBlack (« AirBnb quand on est noir »), ont récemment été épinglées dans une étude de l’université Harvard : les demandes de logement d’utilisateurs aux noms à consonance afro-américaine ont ainsi plus de chances d’être rejetées que celles de Blancs.

« AirBnb dispose d’énormes moyens pour lutter contre la discrimination »

La plate-forme de réservation d’AirBnb permet indirectement à ses hôtes de pratiquer une forme de discrimination puisque les voyageurs y apparaissent généralement sous leurs véritables nom et photo. Pour éviter de subir ce genre de préjudice, plusieurs utilisateurs afro-américains ont pris l’habitude d’illustrer leur profil par une photo de paysage et de recourir à un diminutif : une méthode qui a prouvé son efficacité. D’autres ont pu constater, après s’être vu refuser un logement au motif que les dates demandées étaient déjà « prises », que leurs amis blancs n’avaient en revanche aucun souci pour réserver à la même période.

Si AirBnb ne peut évidemment pas contrôler le comportement de ses hôtes, les connaisseurs de l’entreprise estiment qu’elle pourrait lutter plus efficacement contre ce genre de pratiques. Michael Luca, l’un des coauteurs de la recherche menée à Harvard, explique : « L’interface de ce type de plates-formes dicte les décisions de ses utilisateurs. Même si ceux-ci ont déjà des préjugés, [les plates-formes comme AirBnb] disposent d’énormes moyens pour lutter contre la discrimination. » Le chercheur prône différentes mesures préventives, comme le développement des réservations instantanées, qui évitent de longs dialogues entre hôte et voyageur, ou encore le rappel systématique, à chaque réservation, du caractère illégal de toute discrimination.

En attendant les résultats de l’enquête d’Aibnb, attendus pour le début de septembre, des investisseurs tentent déjà de tirer profit de cette polémique : le site NoirBnb, ouvert il y a quelques jours, se présente comme le « futur du voyage noir » et espère devenir la référence des « voyageurs de la diaspora ».