Au siège de l’IAAF, la fédération internationale d’athlétisme, à Monaco. | Lionel Cironneau / AP

Les sanctions continuent à tomber à la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). La commission d’éthique de la Fédération a décidé de suspendre trois des membres de l’IAAF. Dans un communiqué daté du vendredi 10 juin, le président de la commission, le Britannique Michael Beloff, a annoncé avoir « suspendu provisoirement de toutes charges et fonctions au sein de l’IAAF les membres suivants : Nick Davies, Jane Boulter-Davies et Pierre-Yves Garnier ».

La suspension devrait durer cent quatre-vingts jours à partir du 10 juin, en attendant les conclusions de l’enquêteur désigné par la commission, sir Anthony Hooper. La décision ne « préjuge en rien des résultats finaux de l’enquête menée par sir Anthony Hooper », précise la commission d’éthique, tout en soulignant la « présomption d’innocence » dont doivent bénéficier les trois suspendus.

Cette annonce apparaît comme l’une des nombreuses répliques du séisme qui touche l’IAAF depuis plusieurs mois. Plusieurs responsables de la fédération internationale sont soupçonnés d’avoir étouffé des cas de dopage russe en échange d’argent. Le parquet national financier français a lancé une enquête, à la fin de 2015. Les juges d’instruction ont mis en examen Lamine Diack, l’ex-président de l’IAAF (1999-2015), pour « corruption » et « blanchiment aggravé », ainsi que son conseiller juridique, Habib Cissé, et l’ancien responsable du département antidopage, Gabriel Dollé, pour « corruption passive ». Un mandat d’arrêt international a été lancé contre Papa Massata Diack, fils de Lamine Diack et ancien consultant auprès de l’IAAF.

C’est un mail découvert par les enquêteurs français et révélé par Le Monde, le 18 décembre 2015, qui a conduit à l’annonce de ces nouvelles suspensions. Dans un courriel intitulé « strictement confidentiel » daté du 29 juillet 2013, Papa Massata Diack expliquait que Valentin Balakhnichev, le président de la Fédération russe d’athlétisme, l’avait sollicité « pour intervenir en interne auprès du personnel qui lui était antagonique dans le processus de gestion de ce dossier depuis septembre 2012 et, à cette fin, un travail de lobbying a été fait auprès de C. Thiaré (50 K), Nick Davies (UK press lobbying 30 K et calmer Jane Boulter), G. Dollé (50 K) et PY Garnier (assistance champagnole, 10 K géré par Cheikh). » En garde à vue, Lamine Diack avait ainsi décrypté ce mail envoyé par son fils : « Papa Massata Diack a donné de l’argent aux uns et autres pour les faire taire et qu’il ne s’opposent pas. »

« Induire en erreur »

Alors contacté par Le Monde, Nick Davies, ancien porte-parole de l’IAAF et directeur de cabinet du nouveau président, Sebastian Coe, avait démenti « fermement cette allégation ». Quatre jours plus tard, le 22 décembre, il s’était pourtant retiré de ses fonctions après que Le Monde eut publié un mail qu’il avait écrit à Papa Massata Diack le 19 juillet 2013. Le document montrait de manière claire comment M. Davies était au courant des cas de dopage couverts par l’instance internationale dans l’athlétisme russe depuis 2013 au moins – « des cadavres russes dans le placard », écrivait-il. Et comment l’ex-porte-parole de l’IAAF a tenté d’élaborer une stratégie de communication afin que ces cas, gênants pour l’athlétisme mondial, aient le moins de répercussions médiatiques possible.

La commission d’éthique note que Nick Davies a reçu en 2013 de la part de Papa Massata Diack une somme d’argent non révélée. Elle ajoute que M. Davies a tenté d’« induire en erreur » un enquêteur de la commission. Les mêmes faits sont reprochés à Jane Boulter-Davies, elle aussi salariée de l’IAAF.

Lui aussi mis en cause par le mail du 29 juillet 2013 de Papa Massata Diack, Pierre-Yves Garnier, alors responsable du passeport biologique à l’IAAF, avait regretté, en décembre, de retrouver son nom dans ce mail qui amenait des « confusions » : « Par rapport à Champagnole (Jura), on m’a confié une mission, que j’ai faite, qui était d’organiser en dehors de mon travail et, à titre personnel, la venue du président [Diack] et d’une quinzaine d’anciens sportifs et des officiels. Cela m’a demandé un an et demi de travail. » La commission d’éthique, dans son communiqué, lui reproche d’avoir conservé une partie de cette somme (10 000 euros) « même lorsqu’il a été conscient de son caractère irrégulier ».

Le 7 janvier, la commission d’éthique avait recommandé la suspension à vie de Valentin Balakhnichev, trésorier de l’IAAF jusqu’en décembre 2014 et ancien président de la Fédération russe, d’Alexeï Melnikov, ancien entraîneur de l’équipe de marche de Russie, et du Sénégalais Papa Massata Diack, ex-consultant auprès de l’IAAF. Le médecin français Gabriel Dollé avait également été reconnu coupable et menacé de cinq ans de suspension.