Le candidat du FPÖ Norbert Hofer, avait recueilli 49,7 % des voix face au vainqueur du scrutin l’écologiste Alexander Van der Bellen (50,3 %). | HEINZ-PETER BADER/REUTERS

L’extrême droite autrichienne (FPÖ), battue de justesse à l’élection présidentielle le 22 mai, a déposé un recours, contestant le résultat auprès de la Cour constitutionnelle. « Recours déposé contre l’élection présidentielle par Heinz-Christian Strache », le chef du FPÖ, a tweeté le porte-parole de la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, au dernier jour du délai légal pour contester le résultat du scrutin.

Le candidat du FPÖ, Norbert Hofer, avait recueilli 49,7 % des voix face au vainqueur du scrutin, l’écologiste Alexander Van der Bellen (50,3 %). Les deux candidats avaient été départagés par les votes par correspondance, dépouillés le 23 mai. En tête à l’issue du dépouillement des urnes dimanche soir, M. Hofer avait finalement été devancé de 30 863 voix, selon les résultats officiels arrêtés le 1er juin.

Ils en sont persuadés, on leur a volé leur victoire. Trop d’irrégularités dans les modalités du dépouillement, trop d’indices de manipulation dans les villages : depuis le 22 mai, les élus du parti d’extrême droite FPÖ collectaient ce qu’ils considéraient comme étant des « preuves » d’un déni de démocratie, au second tour d’une élection présidentielle des plus incertaines.

Trois actions en annulation

Ils n’auront pas gardé leurs accusations pour les seuls réseaux sociaux, sur lesquels certains de leurs partisans en appelaient même à la violence envers Alexander Van der Bellen, l’ancien chef des écologistes. Son adresse personnelle ayant été offerte en pâture sur Facebook, la police a renforcé la protection personnelle de ce président, élu sur le fil.

Quelques heures seulement avant la fin du délai légal, Heinz-Christian Strache a décidé de déposer trois actions en annulation. La première est déposée en son nom, en tant que chef de parti, l’autre au nom de Norbert Hofer et la troisième au nom d’un « citoyen et électeur ».

M. Strache est persuadé que la correction due au recours pourrait inverser la tendance et offrir la présidence de la République à son candidat, arrivé officiellement deuxième, Norbert Hofer. Le FPÖ parle de 117 localités dans lesquelles des irrégularités auraient été observées. « Avec toutes les irrégularités qui aujourd’hui sont sur la table, [la correction due au recours] devrait aller au-delà des 30 000 votes », avait estimé samedi 4 juin M. Strache.

Mais l’extrême droite autrichienne ne veut pas passer pour une « mauvaise perdante ». « Toutefois il en va des fondements même de la démocratie, estime Heinz-Christian Strache. Sans toutes ces pannes et ces irrégularités, Norbert Hofer aurait pu devenir président. »

Contestation des votes par correspondance

Le FPÖ n’a pas de mots assez durs pour qualifier le système autrichien des votes par correspondance, qui a offert la victoire à Alexander Van der Bellen, alors que ceux qui se sont déplacés pour aller voter ont majoritairement donné leur voix à l’extrême droite.

Introduite en 2010 seulement, cette possibilité a rapidement gagné en popularité, jusqu’à représenter 16,7 % des suffrages exprimés au second tour lors de cette élection (soit près de 800 000 voix, dont une petite proportion en provenance de l’étranger). Les opposants à Norbert Hofer s’étaient particulièrement mobilisés entre les deux tours et le vote par correspondance avait favorisé son opposant. Or dans 82 localités, ces votes par correspondance auraient été sortis avant l’arrivée des fonctionnaires chargés de les dépouiller, selon le FPÖ.

« J’attends uniquement de l’équité, rien d’autre, réagissait Johann Tschürtz, un élu régional du FPÖ, à l’issue de cette annonce spectaculaire. Ce système de vote par correspondance contient bien trop d’incertitudes. » Il a été rejoint par Norbert Darabos, un ancien ministre social-démocrate, qui trouve, lui aussi, ces bulletins envoyés par la poste « compliqués » à défendre, et qui préférerait que les gens « se rendent personnellement dans les bureaux de vote » pour exprimer leur choix démocratique.

Le ministère de l’intérieur a déjà chargé le parquet anticorruption d’analyser des irrégularités potentiellement observées dans six localités. Mais Heinz-Christian Strache a, lui, collecté plus de 150 pages de documents prouvant, selon lui, que dans un pays aussi démocratique que l’Autriche, les électeurs auraient été dupés.

Seule la Cour constitutionnelle peut organiser de nouvelles élections ou ordonner un recompte total des voix. Elle doit rendre ses conclusions au plus tard le 6 juillet, soit deux jours avant l’intronisation d’Alexander Van der Bellen à la présidence de la République.

Quant au FPÖ, qui caracole en tête des sondages pour les législatives depuis plusieurs mois, il espère décrocher la chancellerie, le cœur exécutif du pouvoir, lors du prochain scrutin parlementaire prévu au plus tard en 2018.