Le nouveau directeur général d’Axa, Thomas Buberl, le 27 avril, à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

« Dans trois mois, pour les feux de la Saint-Jean, nous présenterons le plan de développement d’Axa. » Lundi 21 mars, Henri de Castries créait la surprise en annonçant son départ en septembre et son remplacement à la tête du numéro deux mondial de l’assurance par Thomas Buberl, un allemand de 43 ans, jusqu’ici patron de la filiale outre-Rhin et peu connu dans le groupe.

L’engagement a été tenu, avec la présentation, mardi 21 juin, du plan « Ambition 2020 » élaboré par le nouveau directeur général. Son objectif est de s’adapter rapidement à un environnement en pleine mutation numérique, dans lequel Axa doit passer « du village traditionnel au village digital ». Avec une contrainte : des taux proches de zéro, voire négatifs, qui pèsent sur les résultats. D’où l’appel à une rigueur accrue, afin de dégager les moyens de continuer à développer l’assureur.

« Déjà, en 2010, nous trouvions que les taux d’intérêt à 3 % étaient très bas, alors que dire aujourd’hui avec des taux négatifs ! », explique-t-on chez l’assureur. Selon ses calculs, l’impact de cet environnement sur le résultat opérationnel du groupe est compris entre – 5 %, si les taux restent à leurs niveaux actuels pendant cinq ans, et – 1 % s’ils remontent graduellement durant cette période.

Un passionné de high-tech

« On tient compte des réalités du moment. On a voulu faire un plan réaliste », correspondant à « un certain nombre de situations et de scénarios », a précisé le directeur financier, Gérald Harlin.

Ainsi, Axa s’attend durant ces cinq ans à une progression annuelle de son résultat opérationnel par action comprise entre 3 % et 7 %, et vise un retour sur fonds propres (ROE) situé entre 12 % et 14 %. Ces pourcentages sont inférieurs d’un à deux points à ceux de son précédent plan 2010-2015.

Le groupe, qui franchira cette année les 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a donc décidé de poursuivre sa politique de réduction des coûts, avec des économies de 2,1 milliards d’euros sur cinq ans, sans aucun plan social. En revanche, pour se développer, l’assureur compte sur ses points forts comme l’assurance dommage aux entreprises, l’assurance-vie, la prévoyance santé et l’épargne, tout en poursuivant son expansion vers l’Asie.

C’est dans ce contexte qu’est intensifiée la transformation numérique, pour laquelle l’assureur français entend consacrer 3 milliards d’euros, afin de développer de nouveaux services et former les salariés.

« Nous devons accélérer nos efforts d’innovation afin de répondre aux changements rapides des attentes de nos clients liés à la numérisation, tout en continuant le développement de nos activités concernant la prévention », a prévenu Thomas Buberl.

Avec une conviction simple, qu’il ne cesse de répéter : « Nous ne devons plus être de simples payeurs de facture, nous voulons être un acteur accompagnant les clients tout au long de leurs vies ».

Pour ce passionné de high-tech, il s’agit de repenser le métier de l’assureur. Les applications d’aujourd’hui permettent de nombreuses interactions. En ce domaine, M. Buberl a des idées : il a créé à Cologne, lorsqu’il dirigeait la filiale allemande, « Transactional Model », un laboratoire consacré à l’innovation dans l’assurance et les services connexes.

La crainte d’être « ubérisé »

Le développement du digital et de la diffusion de données offre deux avantages, selon lui. « Nous pouvons être en contact facilement avec les clients et connaître leurs besoins », explique-t-il. L’un des terrains d’expérimentation est la santé, avec le développement de la prévention grâce aux données individuelles. « Les assureurs ont longtemps travaillé seuls. Maintenant, ils doivent s’associer à des entreprises des télécoms ou avec les GAFA [Google, Amazon, Facebook, Apple] », estime le nouveau patron.

De plus, les assureurs ne sont pas à l’abri de l’émergence de nouveaux acteurs, leur activité étant aujourd’hui l’une de celles pouvant être aisément « ubérisée ». « Par exemple, pourquoi est-il plus facile d’acheter un livre sur Amazon aujourd’hui que de souscrire une assurance ? », s’interroge un expert du secteur, afin de montrer le champ libre laissé par les assureurs classiques à d’éventuelles start-up inventives ou à des géants de l’Internet ayant déjà collecté de multiples données dans leurs serveurs. L’idée d’Axa est de proposer à ses clients « une expérience proche de ce qu’ils vivent chez Amazon ou Apple » en termes d’accessibilité, et de ne plus seulement être « le bailleur lorsqu’un sinistre survient », selon Gérald Harlin.

C’est donc une nouvelle ère qu’ouvre le troisième dirigeant d’Axa, en adaptant le groupe à la révolution numérique en cours, tout en poursuivant son développement international. Son fondateur, Claude Bébéar, avait constitué le géant de l’assurance en acquérant de nombreuses compagnies. Son successeur, Henri de Castries, a unifié l’ensemble, tout en poursuivant l’expansion du groupe. Ces dernières années, pour adapter Axa à un environnement financier défavorable, il avait aussi entrepris un vaste effort de transformation avec le plan « Ambition 2010-2015 ».

Lors de la présentation des résultats du groupe, le 25 février, le PDG sortant avait bien insisté sur le fait que tous les objectifs fixés par le plan quinquennal étaient remplis, en termes de rentabilité comme de réduction de l’endettement. Dans ces conditions, le processus de succession, enclenché il y a deux ans et demi, pouvait donc être accéléré, ce qui a conduit à la décision du 21 mars. A Thomas Buberl, la responsabilité d’ouvrir une nouvelle page.