La table d’un candidat lors d’une épreuve du baccalauréat au lycée Fustel de Coulanges, à Strasbourg, le 15 juin. | FREDERICK FLORIN / AFP

Un sujet sur la coordination des politiques des pays de l’Union européenne à quelques jours du vote des Britanniques sur le « Brexit » ; une étude de document sur le chômage et le travail précaire alors que le pays est en pleine mobilisation contre le projet de « loi travail » du gouvernement ; une autre étude de document sur le baccalauréat au programme du… baccalauréat. Ces différents sujets sont en effet tombés, lundi 20 juin, lors de l’épreuve de sciences économiques et sociales du bac ES 2016. Pourtant, selon Claude Garcia, professeur de sciences économiques et sociales (SES) et auteur du blog Profs mis en examen, ces sujets invitent avant tout à produire des raisonnements économiques et sociologiques, et non à commenter l’actualité.

Les sujets de sciences économiques et sociales font particulièrement écho à l’actualité cette année…

Claude Garcia : C’est la spécificité des sciences économiques et sociales d’être en phase avec l’actualité. Nous n’avons pas de sujets théoriques, ils sont toujours ancrés dans une réalité qui a son reflet dans l’actualité. Mais il ne faut pas faire de hors-sujet : celui sur la coordination des politiques conjoncturelles des pays de l’Union européenne n’a rien à voir avec le « Brexit ». Cette année, les auteurs des sujets ont, en outre, évité les polémiques stériles qui, en fonction de l’angle choisi, hérissent le Medef ou, inversement, les antilibéraux.

Un des sujets vous a-t-il étonné ?

Il y a, en effet, peut-être un clin d’œil dans l’un des sujets, celui qui concerne le taux d’obtention du baccalauréat. Donner aux candidats du baccalauréat un sujet sur l’augmentation de la réussite à cette épreuve, c’est amusant et aussi autocritique. Car, que constate-t-on au regard des chiffres de l’énoncé ? Que l’école, les enseignants, participent, génération après génération, à la reproduction d’un schéma social.

« Il y a un grand décalage entre le moment ou le sujet est déposé sur les tables des lycéens et leur conception »

L’analyse de ce document montre qu’il y a une progression constante du nombre de bacheliers, que les classes populaires voient leur taux augmenter, mais qu’il reste quand même un écart réel entre les enfants de cadres ou de professions intermédiaires et les enfants d’ouvriers. Cela illustre la tendance à l’inertie sociale, une reproduction sociale malgré quelques progrès.

Un des sujets souligne la hausse du chômage en France. A un an de l’élection présidentielle, et alors que l’inversion de la courbe est le premier engagement de l’exécutif, n’est-ce pas un sujet polémique ?

Ce n’est pas un sujet politique, car il est à comprendre sous un angle sociologique. Nous attendons des candidats qu’ils expliquent que le travail n’est pas seulement une source de revenus, que c’est également ce qui donne un statut social, donc une intégration. On constate une dégradation, le travail est moins intégrateur que par le passé. Les documents soulignent également l’existence d’une pauvreté laborieuse… Il est juste que des libéraux pourraient s’en agacer : ne serait-on pas en train d’intoxiquer des lycéens en disant que les politiques de flexibilité, finalement, se traduisent par de la précarité ? Mais ce n’est pas du tout l’esprit dans lequel est réalisé le cours.

Quand et comment ces sujets ont-ils été conçus ?

C’est en juin 2015 que les professeurs ont commencé à y travailler et que les thèmes à traiter ont été définis. Des réunions d’évaluation des sujets se sont tenues à l’automne. Enfin, ils ont été testés en janvier pour s’assurer qu’ils étaient parfaitement compréhensibles, puis on a réalisé les derniers arbitrages. Il y a donc un grand décalage entre le moment ou le sujet est déposé sur les tables des lycéens et leur conception, qui commence une année avant.