Des fanions de campagne dans la villle de Ramsgate, au sud de l’Angleterre. | CHRIS J RATCLIFFE / AFP

« Si vous ne voulez pas de l’intégration, alors il faut la Grande-Bretagne. Si vous ne voulez pas de la Grande-Bretagne, alors il faut l’intégration » ainsi parlait Paul-Henri Spaak, ancien Premier ministre belge et père fondateur de l’Europe, à l’occasion du refus par le Général de Gaulle de l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne. À l’occasion du référendum sur le Brexit, le théorème de Spaak montre toute sa prescience.

Le Royaume-Uni est depuis 1973 à l’intérieur de l’Union européenne (UE), ou presque. Exempté de rejoindre l’euro, absent des accords de Schengen, exonéré du respect de la Charte des droits fondamentaux, le Royaume-Uni est en réalité arrimé à l’Europe. Dispensé des devoirs de solidarité européenne (envers les pays de l’euro en difficulté ou de la gestion commune de la crise des réfugiés) le Royaume-Uni jouis pourtant de tous les droits et avantages que confère l’UE (accès au plus grand marché mondial, place d’or au sein des institutions européennes). Coquetterie ultime, les Britanniques bénéficient d’une « ristourne » sur le budget européen, âprement négociée en son temps par Madame Thatcher, toujours en application et supportée principalement par la France.

En promettant un référendum à la veille des élections parlementaires anglaises de 2015, David Cameron s’est servi de l’Europe à des fins électorales. Partir ou rester, les Britanniques en décideront le 23 juin prochain. Mais depuis l’annonce de cette consultation les institutions européennes sont comme tétanisées. À Bruxelles il est interdit de faire un geste avant la fin du mois de juin. La menace de sortie a hypothéqué bon nombre de sujets : proposition du budget européen pour 2017, débat parlementaire sur la migration ou sur les ressources de l’UE, auditions des ministres des finances pour discuter d’un budget de la zone euro, tous ces sujets aussi pressants soient-ils sont renvoyés aux calendes grecques ou, plus précisément, au calendrier anglais. Principe de précaution oblige.

Les diplomates croisent les doigts

L’Europe connaît l’une des plus grandes crises de son histoire et voilà que ses institutions se mettent en congés - étrange attitude quand on sait le peu d’implication du Royaume-Uni dans les sujets en question puisqu’il n’est ni dans la zone euro, ni dans Schengen et qu’il s’illustre par son attitude rétive lors des discussions budgétaires européennes. À la vérité, le référendum britannique révèle autant l’acuité de l’euroscepticisme britannique que la faiblesse du noyau prétendument « dur » européen. Car si nos amis britanniques venaient à prendre le large, la vraie question qui se poserait aux Français, aux Allemands, aux Italiens, aux Hollandais et aux autres pays de la zone euro serait : les Britanniques partis, quelle excuse va-t-on bien pouvoir trouver pour ne pas aller plus loin ?

Le silence que s’imposent les institutions est dangereux pour le fonctionnement de l’Union et mortelle pour l’idée d’Europe elle-même. Car cette dernière se meurt de ne pas parler à ses citoyens. Tout donne à penser qu’elle est organisée pour qu’elle soit faite dans le dos des peuples, en catimini. À chaque échéance électorale - aujourd’hui le référendum britannique, demain les élections en France et en Allemagne - l’Union se met en sourdine, les diplomates croisent les doigts pour que les urnes leur envoient des dirigeants conciliants et l’intégration européenne, irrémédiable parce que nécessaire, se fait dans la quasi-clandestinité, une fois les électeurs rentrés chez eux.

L’espace de débat ouvert par le référendum britannique va se refermer, occasion manquée. Un nouvel espace de discussion s’ouvrira en septembre, à l’occasion du débat présidentiel français dont le coup d’envoi sera donné par la primaire de la droite et du centre. Il ne faut pas laisser passer cette chance et faire entrer l’Europe dans le débat public. La France de demain ne pourra pas se faire avec des œillères. Son avenir est dans une Europe forte parce que démocratique.