Les réacteurs 1 et 2 de la centrale de Takahama au Japon (département de Fukui, centre). | JIJI PRESS / AFP

Cinq ans plus tard, l’actualité japonaise vit toujours au rythme de la catastrophe nucléaire de Fukushima de mars 2011. L’Autorité de régulation du nucléaire (ARN) a estimé, le 20 juin, que les réacteurs 1 et 2 de la centrale de Takahama (département de Fukui, centre) pouvaient fonctionner encore vingt ans. Vieux de quarante ans, ils ont atteint la limite légale de fonctionnement fixée après Fukushima. Mais pour l’ARN, les deux tranches remplissent les règles de sûreté en vigueur.

L’opérateur, la Compagnie d’électricité du Kansai (Kepco), a besoin désormais de l’accord des municipalités et du gouvernement pour redémarrer les réacteurs et finaliser avec l’ARN les tests de résistance sismiques des composants importants. Il ne prévoit pas un éventuel redémarrage avant 2019.

Risque sismique

Les deux autres réacteurs de Takahama, les 3 et 4, sont à l’arrêt depuis une décision de justice du 9 mars. Le 17 juin, un tribunal a confirmé ce jugement, rendu après le dépôt d’une pétition déposée par les habitants des zones proches du site, inquiets de la sûreté des installations notamment face au risque sismique.

Pour l’organisation de protection de l’environnement Greenpeace, l’ARN « fait tout pour ignorer le risque sismique pour les centrales nucléaires du Japon ». Un point qui rappelle les propos du 13 juin de Kunihiko Shimazaki, sismologue et ancien président de l’ARN. Pour lui, l’organisme « doit savoir que les procédures d’évaluation présentent des défauts », notamment pour les calculs des mouvements sismiques autour des centrales.

Ces débats interviennent alors que le gouvernement conservateur du premier ministre Shinzo Abe veut relancer les 42 réacteurs nucléaires encore en service. Seuls deux sont aujourd’hui en fonction, à la centrale Satsumasendai, dans le département de Kagoshima (Sud-Ouest).

Aliments de Fukushima

Dans cette perspective, il fait également tout pour tenter de rassurer la population sur l’innocuité des produits du département de Fukushima, qui a pourtant subi d’importantes retombées radioactives. Le 17 juin, l’ambassadeur de France au Japon, Thierry Dana, organisait un « dîner d’amitié », en signe de « solidarité envers les agriculteurs et la population du département de Fukushima ».

Le 17 juin, l’ambassadeur de France au Japon, Thierry Dana, organisait un « dîner d’amitié » en présence du chanteur Charles Aznavour. | KAZUHIRO NOGI / AFP

Parmi la trentaine de convives se trouvait Charles Aznavour, en tournée dans l’archipel. En 2011, le célèbre chanteur avait adressé un message de sympathie aux habitants des zones sinistrées par le séisme, le tsunami et l’accident nucléaire. « Il ne faut pas que les choses disparaissent comme cela, il faut continuer à en parler, justement pour que tout le monde soit préoccupé », a-t-il souligné, ajoutant qu’il jugeait nécessaire en tant qu’artiste de se mobiliser pour différentes causes.

Le menu servi à l’ambassade était composé d’aliments de Fukushima, un département autrefois parmi les plus gros producteurs de fruits, de légumes et ou encore de riz. Il y avait notamment de la « volaille d’Aizu à la prune salée » ou encore un « jubilée de cerises satonishiki, glace vanille ». Le tout accompagné de saké de Fukushima, considéré comme l’un des meilleurs.

Pour les participants, l’objectif était de souligner la richesse de l’agriculture du département sinistré. Depuis la catastrophe nucléaire, les activités agricoles et de la pêche sont réduites, les grossistes comme les particuliers restant méfiants envers les produits estampillés Fukushima. Invité lui aussi à l’ambassade, le ministre de la reconstruction Tsuyoshi Takagi a déploré la persistance de ce qu’il a qualifié de « rumeurs infondées » liées aux craintes sur l’innocuité des produits alimentaires. « Il s’agit de les dissiper. » Et M. Takagi de déplorer que certains pays, comme la Corée du Sud, continuent d’interdire les importations de produits alimentaires du nord-est du Japon par crainte des risques de contamination.

Gestion de la crise nucléaire

Des employés de Tepco dans le réacteur 4 de la centrale de Fukushima. | ? POOL New / Reuters / REUTERS

L’événement promotionnel survient alors que les débats ont été récemment ravivés sur la gestion de la crise nucléaire. Une commission formée à l’initiative de la compagnie d’électricité de Tokyo (Tepco), responsable du site endommagé, a confirmé le 16 juin que la société avait refusé d’utiliser le mot « fusion » dans les premiers jours de la catastrophe, affirmant avoir agi sur ordre du gouvernement.

Les membres de la commission affirment que le président de l’époque Masataka Shimizu a obéi à une injonction du gouvernement d’alors. Le porte-parole de ce gouvernement Yukio Edano, aujourd’hui secrétaire général du Parti démocrate (opposition), est intervenu pour rejeter cette affirmation.

Loin de ces discussions, le 8 juin, une habitante de Fukushima de 21 ans – restée anonyme - a pour la première fois déclaré publiquement qu’elle souffrait d’un cancer de la thyroïde. Elle l’a fait pour inciter tous les enfants de Fukushima à passer un examen. De fait, le gouvernement a ordonné le suivi des 380 000 enfants du département de moins de 18 ans au moment de la catastrophe. 38 % ne l’ont pas été et, pour ceux qui ont aujourd’hui entre 18 et 21 ans, la part atteint 75 %.

Malgré cela, 173 cas de cancer de la thyroïde, confirmés ou soupçonnés, ont été décelés depuis mars 2011. Le gouvernement refuse d’établir le lien avec la catastrophe nucléaire, y voyant plutôt le résultat d’examens plus nombreux et plus approfondis. Des débats qui ne devraient pas favoriser le retour de la confiance des Japonais dans le nucléaire.