Vitrine annonçant les soldes d’été à Strasbourg en juin 2016. | FREDERICK FLORIN / AFP

Des montagnes de vêtements. Rarement les stocks dans l’habillement étaient apparus aussi colossaux à l’ouverture des soldes d’été, dont le coup d’envoi est donné mercredi 22 juin. Tout s’est ligué cette année pour que la consommation recule encore. Le temps, très frais pour la saison, et la pluie, en particulier, ont incité les consommateurs à rester chez eux. Rien qu’à Paris, le printemps a battu un record de pluviosité depuis 1873, et le début des mesures à la station Montsouris… « S’y sont ajoutées les grèves à répétition, les pénuries d’essence et les crues en plein démarrage des collections », énumère Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM).

Daniel Wertel, président de la Fédération française du prêt-à-porter, cite également une autre série de « facteurs de précarité, d’incertitude, comme le contexte des attentats, les manifestations et même le climat préélectoral », qui contribuent à faire chuter inéluctablement « depuis quarante, ans les ventes de l’habillement ». Un scénario du pire.

Fuite des touristes

En avril, les ventes du secteur textile-habillement ont effectivement reculé, selon l’IFM, de 6,1 % par rapport au même mois de 2015, et de - 3,5 % en mai par rapport à la même période de 2015. Alors que les experts de l’IFM espéraient enfin une embellie du marché cette année, en raison d’une légère amélioration des facteurs macroéconomiques, il n’en est rien : entre janvier et mars, le secteur a encore reculé de 1,6 %.

La morosité n’en est que plus tangible. Les enseignes de prêt-à-porter ont déjà essayé en vain de séduire les clients, en leur proposant, depuis plus d’une dizaine de jours, des ventes privées. Ou en les conviant, par texto, à des rabais de 30 à 50 %.

Le Printemps – qui réalise habituellement 11 % de son chiffre d’affaires pendant les soldes d’été, confirme détenir 10 % de stocks supplémentaires par rapport à l’an dernier. Souffrant, comme son concurrent, de la fuite des touristes depuis les attentats et de l’impossibilité d’ouvrir le dimanche, les Galeries Lafayette constatent aussi une fréquentation anormalement basse, mais ne comptent pas pour autant proposer des prix bien plus bradés que d’habitude.

Les promotions sont devenues la norme

La part des soldes et promotions a représenté 40,6 % des achats en valeur de vêtements l’an dernier, selon l’IFM. Et près d’un article sur deux en volume. « On arrive à la période des soldes, alors qu’on a déjà tenté tous les artifices pour faire venir des clients. Rien ne bouge depuis des semaines, des mois, malgré les “2e article gratuit” affichés en vitrine », assure M. Wertel. « Les soldes d’été seront forcément extrêmement mous », pronostique-t-il. A ses yeux, le calendrier n’est pas le bon.

« Les soldes débutent le lendemain du premier jour officiel de l’été, alors qu’ils devraient démarrer en août, quand les enseignes ont déjà vendu avec une marge confortable, pour faire place nette avec les stocks restants. »

Sur internet, l’influence de la météo a moins joué. Cyril Andrino, le PDG de Brandalley, est l’un des rares à afficher « un bon mois de juin », en hausse de 20 % par rapport à l’année dernière. Sans doute parce que les consommatrices internautes espéraient follement le retour du beau temps, elles ont acheté des robes et des nu-pieds.

Pour les consommateurs, les soldes, pré-soldes ou les promotions sont devenus la norme. Sauf à bénéficier d’un portefeuille très confortablement garni, acheter au prix fort devient de plus en plus rare. Presque une anomalie. Un sondage Odoxa pour Unibail montre que si 71 % des Français comptent s’adonner aux soldes d’été, 51 % voulaient participer aux pré-soldes. Selon un autre sondage Yougov/Ma Reduc, les personnes interrogées attendent, de la même manière, soldes ou promotions ponctuelles, pour faire de bonnes affaires. Et près d’un Français sur deux estime que les soldes ne présentent plus un avantage notable.

Voire, selon un sondé d’une enquête Obsoco, « un attrape-nigaud, qui oblige à acheter ce dont on n’a pas besoin »… Un vibrant appel, sage mais sans doute assez isolé, à renoncer à remplir encore et toujours ses placards.