Perturbée par une grève de ses pilotes début mai, EgyptAir avait récemment annoncé des promotions sur ses vols nationaux et internationaux. Des prix cassés sur lesquels misait le patron, Safwat Mesallam, pour relancer l’activité après des années plombées par les troubles politiques. Mais la vénérable compagnie aérienne, fondée au Caire en 1932, n’est pas près de sortir de l’ornière.

Dans la nuit du mercredi 18 mai au jeudi 19 mai, ses techniciens ont perdu le contact radio avec l’avion censé relier Paris au Caire. L’AirBus A320, l’un des onze qui assuraient la ligne entre les capitales françaises et égyptiennes, s’est abîmé dans la mer Méditerranée. L’appareil apparaissait encore sur leurs écrans de contrôle à 2 h 37, quand il est entré dans l’espace aérien égyptien, a fait deux virages brutaux et chuté de 22 000 pieds. A son bord, 10 membres d’équipage, 56 passagers, dont 15 Français.

Ce n’est pas la première catastrophe que connaît EgyptAir. Selon le site d’information AirFleets, cinq accidents sont survenus depuis 1985, causant la mort de 296 personnes. Le dernier recensé remonte à 2011 : un incendie dans le cockpit qui n’avait pas fait de victimes. En mars 2016, un homme « psychologiquement instable » avait détourné un appareil effectuant la liaison Alexandrie-Le Caire, sans faire de morts.

Il y a sept mois, la Russie avait remis en cause la réputation d’EgyptAir et plus largement la sécurité dans les aéroports égyptiens après qu’un Airbus A321 de la compagnie russe Metrojet parti Charm El-Cheikh se fut écrasé dans le Sinaï, ne faisant aucun survivant parmi les 224 personnes à bord. Un supposé attentat à la bombe avait été revendiqué par la branche égyptienne de l’Etat islamique (EI). Une semaine plus tard, l’autorité de l’aviation civile russe, suspicieuse, avait interdit tous les vols de la compagnie nationale égyptienne à destination de la Russie.

1 milliard d’euros de pertes depuis 2011

Malgré ces événements, EgyptAir ne figurait pas sur la liste noire de la Commission européenne des compagnies bannies du ciel européen pour défaut de sécurité. Selon son rapport annuel 2013-2014, le transporteur avait convoyé 7,2 millions de passagers sur la période, soit environ 400 000 voyageurs de moins qu’en 2012-2013. La compagnie dessert à ce jour 70 villes dans 50 pays.

Sa flotte, composée d’une soixantaine d’avions, n’est pas vétuste. L’âge moyen de ses appareils – des Airbus, des Boeing et des Embraer – est de douze ans, comme celui des appareils d’Air France, d’après AirFleets. Des pilotes ont toutefois récemment dénoncé des défaillances techniques sur certains avions et des conditions de travail difficiles, avec des journées de 14 heures de vol.

L’accident de jeudi est coup sévère pour la compagnie, qui, depuis la révolution égyptienne de 2011 et la baisse de fréquentation touristique qui s’en est suivie, était déjà confrontée à de lourdes pertes : plus de 11 milliards de livres égyptiennes (1 milliard d’euros), selon le site d’information égyptien Aswat Masriya.

A l’annonce de la disparition du vol MS804, la Bourse égyptienne a perdu environ 4 milliards de livres (401 millions d’euros) en début de séance, selon le journal El Masry El Yaom. Ce nouvel accident devrait freiner les projets de développement d’EgyptAir. Il y a trois mois, la compagnie, membre du réseau Star Alliance, était en pleine négociation avec l’avionneur russe Soukhoï pour l’acquisition de 50 appareils de type Superjet 100. Selon l’agence Ecofin, EgyptAir se préparait aussi à lancer cette année son premier avion alimenté en biocarburants.