« Ce sont des potes étudiants en hydrologie qui nous ont dit mardi soir qu’il fallait partir sans attendre », se souviennent Alexandre et Martin, les bras chargés de sacs plastiques contenant leurs effets personnels. « On a vu que l’eau montait et comme la résidence universitaire est en dessous du niveau de l’Yvette, c’était évident qu’on allait être inondés. » Alors les deux compères ont décampé illico presto de la résidence universitaire, avant que la rivière ne déborde de son lit et ne balaie la frêle digue qui la sépare du campus d’Orsay de l’université Paris-Sud, dans l’Essonne.

L’eau est ensuite montée, mercredi 1er juin, à plus d’1 m 50, obligeant les pompiers à évacuer en barque les étudiants bloqués dans les étages de l’un des trois bâtiments de la résidence. Ce vendredi matin, Alexandre et Martin viennent constater les dégâts au sec et récupérer leurs affaires. Le hall de la résidence est maculé de boue et l’appartement du directeur, le seul du rez-de-chaussée, a été inondé. L’établissement, qui accueille 470 étudiants, garde ses portes closes pour environ un mois. Non loin de là, un laboratoire a été touché par les eaux et du matériel informatique endommagé. Une perte dont le montant est en cours d’estimation mais qui pourrait représenter plus de 150 000 euros.

« Il y a même des rats qui sont remontés »

Des dégâts qui sont loin d’impressionner Galaad qui s’apprête à faire démarrer une voiture bourrée à craquer en compagnie d’amis qui étudient en licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). « Le mardi soir, on faisait une soirée dans la résidence, on rigolait bien, je suis même allé nager dans l’eau ! Il n’y avait plus d’électricité, l’eau était noire, on était un peu en mode Titanic ! » « Les gars de STAPS, c’est un peu des fous » s’amuse Elodie, également en filière sport. « Nous, on avait construit un petit pont avec des planches de bois pour quitter la résidence par l’escalier de secours. Mais quand l’eau est montée à plus d’un mètre cinquante, ceux qui ne voulaient pas partir se sont retrouvés bloqués » explique l’étudiante. « Il y a même des rats qui sont remontés ! » ajoute-t-elle, en frissonnant dans son survêtement gris. « Maintenant, on essaie de rassembler les infos concernant le relogement et le moment où la résidence pourra de nouveau nous accueillir. Mais, ça tombe au compte-gouttes… »

Le manque d’information c’est justement ce qui agace Ismaël, sweat aux couleurs du Paris-Saint-Germain et sourcils froncés. « On s’est senti délaissés, s’insurge t-il. J’ai été évacué mercredi soir et j’ai tout vu. Les canalisations sont remontées, certains se sont retrouvés à nager littéralement dans la merde avec de l’eau jusqu’à la taille ». Au-delà du choc, le jeune homme est surtout inquiet pour ses partiels. Car si de nombreux étudiants sont en vacances ou en stage à cette période de l’année, d’autres planchent encore sur leurs révisions. « Je viens de Corbeil-Essonnes, je vais être relogé mais je perds beaucoup de temps pour étudier » trépigne t-il face à la résidence en attendant son frère qui l’aide à déménager.

190 étudiants relogés

Sur le campus d’Orsay, les cours et examens suspendus durant deux jours ont repris ce vendredi. Et tandis que la crue atteint son pic dans la capitale, l’heure est au nettoyage dans l’Essonne. Un responsable du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), les traits tirés par la fatigue déplace une camionnette tandis que des camions-citernes viennent pomper les rejets des canalisations.

À quinze minutes des rives de l’Yvette, la cafétéria du Crous accueille les sinistrés avec un repas gratuit et tient une permanence jusqu’au 6 juin. C’est ici que les étudiants peuvent demander à être relogés. Ils étaient 190 à être dans ce cas ce vendredi. « Nous avons de la place pour tout le monde rassure la direction du Crous, et nous essayons de les reloger à proximité du campus. Les étudiants sont restés très calmes et ont fait preuve d’un bel état d’esprit. »

Et ce n’est pas Alexandre, étudiant en chimie qui dira le contraire. « Tout va bien pour nous » affirme t-il en s’apprêtant à faire d’éphémères adieux à la résidence des Rives. On a même été relogés dans des studios de 18 m2 alors que nos chambres au Crous en font neuf. Et pour le même prix en plus ! C’est le grand luxe ! »