Vladimir Poutine et Matteo Renzi à Saint-Pétersbourg, le 17 juin 2016. | GRIGORY DUKOR / REUTERS

S’il fallait une démonstration du fossé qui sépare aujourd’hui la Russie de l’Union européenne, elle a été fournie par la prestation de Vladimir Poutine et de Matteo Renzi, côte à côte devant un parterre de chefs d’entreprises réunis vendredi 17 juin au Forum économique de Saint-Pétersbourg, le « Davos » russe. Le président russe, crispé, a parlé économie, relance, « soutien au monde des affaires », défis technologiques et « tensions géopolitiques » ; le premier ministre italien, lyrique, lui a répondu en citant Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde. »

Reprenant au vol une allusion de M. Poutine aux difficultés économiques affrontées par la Russie « tout en sauvegardant notre identité et nos racines culturelles », M. Renzi, invité d’honneur de cette 20e édition du Forum, a suggéré une autre voie que celle d’une concurrence exacerbée : « Le problème essentiel dans la phase actuelle n’est pas technique ou technologique, pas les sanctions ou les accords internationaux, mais dans le choix que font certains de la peur, de l’intolérance et de la haine, et d’autres pour des valeurs spirituelles et culturelles. »

Poutine : « Nous ne sommes pas rancuniers »

Et de poursuivre : « Aujourd’hui, quand l’Europe pleure Jo Cox [la députée britannique assassinée à Londres], après le massacre d’Orlando, quand l’Europe et les Etats-Unis sont confrontés à ces phénomènes d’extrémisme et de haine sur leur territoire, la communauté internationale doit d’abord remporter cette bataille avant les problèmes économiques. » Dans la salle, à l’applaudimètre, le succès fut de son côté.

Certes, au lendemain de la visite du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker – une première présentée de part et d’autre comme un signal d’apaisement –, chacun a parlé de « pas nécessaires » pour tenter de réparer des relations dégradées après l’annexion de la Crimée par la Russie et le début du conflit ukrainien, qui ont entraîné l’application, depuis deux ans, de sanctions internationales contre la Russie.

« Nous nous souvenons de la façon dont tout cela a commencé, a déclaré M. Poutine. La Russie n’a pas été l’initiatrice de l’effondrement [des relations], des problèmes, des sanctions. Mais nous ne sommes pas rancuniers et nous sommes prêts à faire un pas vers nos partenaires européens. » En guise d’ouverture, M. Renzi a vanté « la logique de construction de ponts et non de murs », allant jusqu’à aller saluer le concert donné par des musiciens russes à Palmyre, en Syrie, comme une preuve de terrain d’entente. « L’Europe et la Russie ont des valeurs communes », a-t-il insisté, craignant plus que jamais la perspective d’un « Brexit ». « Si la Grande-Bretagne sort de l’UE, c’est pour toujours ! », a-t-il lancé.

Mais sur le fond, malgré les constats partagés et les contrats signés, les divergences entre la Russie et l’UE demeurent nombreuses – sous l’influence des Etats-Unis, considère-t-on à Moscou. Vendredi, l’UE a décidé de prolonger les sanctions prises après l’annexion de la Crimée, en attendant une autre décision concernant cette fois les mesures de restriction financières et politique appliquée à la Russie pour son rôle dans le conflit à l’est de l’Ukraine. De son côté, le chef du Kremlin a dressé la liste de ses griefs. Et ces derniers, a-t-il développé, ne manquent pas, depuis l’élargissement de l’OTAN, « le soutien au coup d’Etat en Ukraine », et celui « avec grand enthousiasme des “printemps arabes” » qui a abouti « au chaos ».

A cela s’ajoute désormais un nouveau terrain de tensions, sportif cette fois. Interrogé sur la menace qui plane sur la présence des athlètes russes Jeux Olympiques de Rio, pour cause de dopage d’Etat, le président russe a répliqué : « Il n’y a pas et il ne peut y avoir aucun soutien de l’Etat spécialement en ce qui concerne le dopage. Si quelqu’un essaie de politiser cette question, c’est une grande erreur. » Quant aux hooligans russes interpellés en France à l’occasion de l’Euro de football, après les violents affrontements du 11 juin entre supporters lors de la rencontre Angleterre-Russie, M. Poutine a préféré ironiser : « Comment 200 supporters russes ont pu passer à tabac quelques milliers d’Anglais ? »